La dernière oeuvre de Miyazaki, que vaut-elle vraiment ?

» Critique de l'anime Le Vent se Lève par Mebenn le
20 Février 2014
Le Vent se Lève - Screenshot #1

Présenté comme son dernier long-métrage, Kaze Tachinu marque un tournant plutôt inattendu dans la carrière de Hayao Miyazaki, un changement dont on verra probablement pas de suite.

C'est la première fois que le Maître Miyazaki aura eu longtemps de gros doutes sur le choix de l’histoire de son dernier film : un sujet ne laissant pas de place à la fantaisie, un thème et une approche sérieuse, un contexte historique, tant éléments qui ne correspondent pas à ce que le réalisateur avait l'habitude de faire.
Un écart audacieux pour Miyazaki, malgré ça, sera-t-il capable de faire de son dernier film un chef-d'oeuvre encore fois ?

Même si la thématique du film est principalement ancrée dans le monde réel, le film n'en est pas moins onirique puisque c'est dans le rêve de Jirô Horikoshi enfant qu'il débute.
Inventeur du fameux Zéro, cet avion reconnu comme le bijou de l'aviation japonaise durant la seconde guerre mondiale, Jirô est avant ça un enfant passionné par l'aéronautique et déjà résolu à entrer dans ce monde pour l'étudier.

Miyazaki nous livre ici son oeuvre la plus personnelle, lui-même passionné d'aviation depuis toujours, mais aussi par le biais d'autres éléments que je citerai plus tard.

Le Vent se Lève - Screenshot #2On retrouve cette passion directement dans le dessin même des machines, les différents modèles sont incroyablement bien représentés, les détails fourmillent et sont innombrables, on nous présente les avions dans toute leur beauté, captivante mais surtout perceptible par tous, même par ceux qui ne s'intéresse pas forcément à l'aviation ou qui n'en ont pas grande connaissance, c'est bluffant.

Il faut insister sur le fait que Ghibli est ici en mesure de nous offrir une des plus belle animation qu'il puisse être, c'est véritablement magnifique et certaines scènes sont graphiquement très impressionnantes, celles des rêves particulièrement, et méritent un visionnage dans un cinéma (si vous en avez encore l'occasion).

Nous sommes donc en compagnie de Jirô, personnage plutôt froid, avec une raideur prononcée dans tout son être, il n'est pas bavard mais entier, entier sous toutes ses formes.
Véritable biographie c'est lui le fil rouge de l'histoire qu'on ne quittera presque jamais.
Profondément passionné Jirô va consacrer une partie de sa vie à l'étude et à la création d'avions de guerre, conscient de créer de véritables armes c'est dans une responsabilité assumée qu'il va essayé de réaliser ses rêves.
Durant cette période Jirô va aussi tomber très amoureux de Nahoko Satomi, un amour fort et partagé qui sera vite interrompu par la maladie de cette dernière.
Au final Miyazaki représente ici un personnage terriblement humain, dans toute sa beauté, sa cruauté, sa fragilité, son égoïsme et son dévouement...
"Le vent se lève, il faut tenter de vivre", cette citation pourrait porter le film à elle seule. Tenter de vivre malgré tout, réaliser ses rêves même s'il faut payer le prix de la culpabilité, malgré la guerre, malgré la fermeté de la réalité.

Le Vent se Lève - Screenshot #3On peut noter encore fois que le personnage même de Jirô peut être une référence à Miyazaki, qui nous écrit ici sa propre critique de lui-même, lui qui a dédié sa vie à l'animation en oubliant sa famille et peut être tout le reste... tout comme le personnage principal de son histoire.
On retrouve aussi une part de lui-même dans l'histoire de Nahoko, atteinte de tuberculose et condamnée comme sa propre mère qui le fut aussi.

L'histoire se déroule au japon avant la guerre et dépeint un pays affecté par la maladie incurable mais aussi par les catastrophes naturelles, comme le séisme tristement connu de 1923 qui détruisit la ville de Tokyo, et magnifiquement représenté dans le film par des scènes et des situations incroyables de réalisme.
Rapidement considéré comme un génie, Jirô va aussi voyager en Allemagne pour y voir l'armée allemande et son aviation, évidemment largement plus évoluée que la japonaise, bridée par la pauvreté du pays.
On sera aux côté de Jirô lors de ses rêves où il y rencontrera à chaque fois son mentor virtuel, Caproni, inventeur italien, c'est lui qui le poussera à réaliser ses rêves, à le guider dans sa passion et l'encourager dans ses créations. Traitées de manière fantaisiste, on sera toujours à bord d'avions toujours plus improbables, qui feront tout le charme de ces scènes merveilleuses.

Le Vent se Lève - Screenshot #4C'est au cours de vacances après son retour au japon qu'il rencontre naturellement Nahoko.
Miyazaki nous offre alors des scènes du couple touchantes par leur simplicité, il se marient ainsi dans une des plus belle scène du film. Une romance pure voulant être vécue intensément par eux deux, sans jamais être entaché par le destin funeste de cette fin inévitable qui se profile.
Malgré ça, sérieux et impassible, on suit toujours Jirô dans son quotidien, nous montrant ses difficultés, ses réussites, ses craintes et ses espoirs, porté par son histoire, on assiste sans jamais être ennuyé grâce à un rythme parfaitement maîtrisé, à la création de son avion.

Anno Hideaki, créateur d'Evangelion (et fils spirituel de Miyazaki depuis Nausicaä) prête sa voix à Jirô, un ton neutre et monotone un peu déconcertant au début qui finalement se marie bien avec le caractère parfois insensible de Jirô et de sa démarche rigide.
Beaucoup de bruitages sont réalisés à la bouche, notamment pour le bruit des machines, des moteurs, etc. Cela donne un certain cachet peu ordinaire au film, aux côtés des dessins et de l'animation, et renforce son traitement résolument poétique.

Les musiques composées par l'irremplaçable Joe Hisaishi, sont comme toujours merveilleuses et d'une justesse parfaitement harmonisée avec l'image. Le travail conjoint des deux Maîtres aura été une dernière fois de toute splendeur.

Le Vent se Lève - Screenshot #5Jirô déchiré par l'objet de ses rêves destiné à cette terrible finalité que sera la guerre et à son amour à jamais impossible, on assiste alors à l'envol du Zéro et du départ de sa femme, sans aucune tragédie, simplement par le regard lucide et conscient de Jirô face à sa vie, son oeuvre, ses échecs, ses réussites.

Kaze Tachinu est peut être la dernière oeuvre de Miyazaki, une oeuvre marquante après une telle filmographie.
C'est un film centré autour d'une thématique triste et d'un personnage livré à ses propres passions dans un monde qui ne peut les contenter pleinement, mais il affronte toujours debout et entier avec la même volonté et sincérité les difficultés qui l'éloignent de plus en plus de ses rêves.

A la fois beau graphiquement et musicalement, dans une animation que seul peut nous offrir le studio Ghibli, Miyazaki devient l'auteur de son ultime chef-d'oeuvre, qui a sa place parmi ses nombreuses grandes réalisations, une oeuvre différente, mais non-moins méritante, et d'une grande qualité.

J'espère de tout cœur que Miyazaki sera encore en mesure de nous donner quelques autres voyages au sein de son unique imagination avant de nous quitter vraiment, car son départ est un grand vide qui vient de s'ouvrir dans l'animation japonaise.

Verdict :9/10
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A propos de l'auteur

Mebenn, inscrit depuis le 12/06/2011.
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