Les manchots matent la pomme.
Kunihiko IKUHARA sait se faire désirer. Plus de 17 ans s'étaient écoulés depuis sa dernière réalisation, le film Utena. Il a bien fait quelques piges, notamment un générique d'ouverture remarqué sur la première saison de Nodame Cantabile mais le co-réalisateur de Sailor Moon s'était un peu mis en hibernation. Une période d'attente qui a bien porté ses fruits, disons-le tout de go: ça valait le coup d'attentre. Si Brains Base cherchait la série de la confirmation de son entrée fracassante dans le CAC40 de l'animation, ils tiennent là une véritable pépite.
Résumer Mawaru Penguindrum tient de la gageure. La série suit une construction habile. La première partie dévoile les protagonistes autour d'un triptyque tragique, au véritable sens du terme. Dès le départ, le spectateur ne se fait pas d'illusion: ça va mal se finir. Reste à savoir pour qui. Les frères si différents mais qui s'aiment et qui veulent protéger leur petite sœur contre le monde quel qu'en soit le coût. La lycéenne éprise qui ne sait pas exprimer ses sentiments et qui ne les comprends pas encore vraiment. La femme qui s'est durcie au contact des autres et qui appris à porter un masque en permanence. Des personnalités qui ne sont tranquilles qu'en surface mais cela reste presque commun. Cette banalité en apparence est d'autant plus renforcée quand on se retrouve plongé dans leurs vies quotidiennes. On rit parfois des délires adolescents et de leurs aventures rocambolesques mais ça s'arrête là.
C'est dans ces détails a priori anodins que se niche toute la beauté de la chose car c'est alors que l'irruption du fantastique dans le quotidien prend toute sa valeur. Comprenez-bien que c'est ce contraste, ce parallèle de deux mondes si différents au départ mais qui vont finir par ce mêler de façon inextricable jusqu'à ne plus savoir ce qui est du domaine de l'imaginaire et le réel qui est l'essence même de Mawaru Penguindrum. Je retiens cela plus qu'un final un peu sibyllin quoique très bien amené dès le pilote et surtout des éléments de l'histoire laissés en route. J'ai cette double impression contradictoire: d'un côté, on sent un réel travail d'écriture qui ne laisse vraiment rien au hasard et d'un autre côté, certains points du scénario donnent l'impression d'avoir été mis là pour faire le compte mais qui n'apportent rien dans la résolution de la série.
C'est d'autant plus dommage que certaines de ses idées étaient pour le moins intéressantes, fortes: elles soulevaient des tabous inédits. De même la dramatisation parfois forcée dessert plus certains personnages qu'elle ne renforce le fil rouge de Mawaru Penguindrum. Je force un peu le trait, tout cela reste de l'ordre du détail mais justement le travail de IKUHARA et son équipe est tellement soigné qu'on demande juste la perfection.
Cette narration excellent est soutenue par une direction artistique de qualité. De grands aplats de couleurs pastels, des décors urbains sombres qui contrastent avec des cieux colorés, une architecture résolument moderne qui vont chercher leur inspiration dans celui du centre Pompidou par exemple. Tout cela fournit un cadre très riche. A ce compte là, la mise en scène est presque simple, très théâtrale. Et les graphismes se disputent la vedette avec une animation particulièrement dynamique qui marquera les esprits pendant encore des années, entre autres le gimmick de la "stratégie de survie". La bande-son est au diapason, elle risque de rester de longs mois sur mon balladeur MP3.
Comment conclure devant cette œuvre magistrale? Je me contenterai de dire que Mawaru Penguindrum est une série dont on parlera encore dans dix ans, une œuvre qui compte, un tribut à l'art de la japanimation qui ne saurait donc mourir sans plusieurs chants du cygne pour finir de marquer les esprits.