Après avoir réalisé plusieurs séries de magical-girl marquantes comme Sailor Moon ou Utena, Kunihiko Ikuhara avait quelque peu disparu de la circulation depuis une bonne décennie. C’est donc avec circonspection qu’on le voyait revenir aux affaires avec le mystérieux Mawaru Penguidrum. Et au vu du résultat, il semble bien que dix années aient été le minimum pour faire mûrir un projet de cette trempe.
Il est paradoxalement plus difficile de pitcher Mawaru Penguidrum une fois la série terminée. Véritablement complexe dans le sens noble du terme, l’histoire de Mawaru Penguindrum ne se cantonne pas à une simple intrigue mais choisit d’aller plus loin que ce que la narration nous habitue en japanimation. Les problèmes de la famille Takakura ne sont qu’un marchepied vers quelque chose de bien plus haut, de bien plus élevé.
Mawaru Penguidrum est ce que l’on pourrait appeler un anime symboliste. En règle générale, l’animation est un support qui permet de faire bouger des personnages pour nous raconter une histoire. Ikuhara balaye cette conception classique d’un revers de la main. Ici l’animation ne sert pas à raconter une histoire, c’est l’animation elle-même qui raconte une histoire.
Tous les éléments qui composent cet anime, du chara-design à la musique en passant par les décors, la mise en scène, la photographie, les bruitages, les doublages, les génériques, sont chargés d’une puissance évocatrice qui concourent unanimement à élever le niveau de la narration. Rien n’est laissé au hasard, TOUT a une signification. Un travail titanesque qui s’étale sur 24 épisodes et qui demandera au spectateur une attention et un souci du détail tout particulier. Comme l’étaient certaines séries des années 90, Mawaru Penguidrum demande un investissement ; ce n’est pas une de ces séries jetables qui se consomment à la chaîne et qui s’oublient l’instant d’après.
Le propos de la série use et abuse des mêmes références qui obsèdent Ikuhara depuis Utena. Le destin, la mort, le sacrifice, l’amour absolu et transcendantal. Bourré de gimmicks à ne plus savoir qu’en faire, lorgnant ostensiblement du côté de l’absurde et du pur exercice de style, Mawaru Penguindrum impose sa démarche et oblige le spectateur à se couler dans le moule pour apprécier l’expérience. Car c’est bien de cela qu’il s’agit ; une expérience, une visite guidée dans l’univers hypnotisant de l’artiste.
Par définition un artiste ne prétend pas plaire à tout le monde et Mawaru Penguidrum laissera plus de spectateurs de côté qu’il en ressortira de satisfaits. Il faut simplement bien se rendre compte que les références utilisées sont familières aux japonais qui comprennent bien mieux que nous ce dont Ikuhara parle. Le fossé culturel est aussi une partie de qui fait que l’animation japonaise est ce qu’elle est.
Tel un diamant brut qui ne révèle sa véritable valeur qu’une fois poli et lissé, Mawaru Penguidrum prend tout son intérêt une fois que le spectateur l’aura vu, revu, réorganisé et réinterprété. Cet anime est si riche et puissant qu'il pourrait parfaitement être étudié à l'école comme objet de commentaire. L’existence même de cette série est la preuve que ce média est arrivé à maturité, et qu’il ne demande qu’à laisser les artistes exprimer pleinement leur talent et leur maîtrise des outils de la japanime. Pour le plus grand bonheur de ses fans.
Les plus
- Un foisonnement d'idées et de créativité
- Direction artistique et musicale d'une remarquable cohérence
- Narration et mise en scène d'une efficacité redoutable
- Des thèmes graves abordés pudiquement
- LA référence de l'animation symboliste
Les moins
- Un style tranché et clivant
- Les références ne sont pas fournies avec le manuel