Peut-on faire une bonne série tout en respectant les exigences marketing d'une marque de jouets ? C'est à cette question délicate qu'ont du s'atteler les responsables de Sunrise et Bandai Visual lors de la création de Gundam Seed. Il leur fallait créer un série évènement, au scénario tenant le coup sur 50 épisodes, tout en prenant soin de respecter les codes Gundam, à savoir faire de robots humanoïdes le principal vecteur de l'histoire afin que les dits robots se vendent ensuite le plus possible dans les étalages de Bandai.
Le pari a-t-il été réussi dans le cas de Gundam Seed ? Non, et c'est dommage.
Car GS possède des atouts qui auraient pu faire de lui un grande, très grande réussite. J'ai tendance à considérer que la qualité d'un film ou d'une série se juge d'abord par son scénario, ensuite par sa réalisation et enfin par le jeu des acteurs et les dialogues.
Commençons par analyser le scénario de Gundam Seed qui est LE point fort de la série. L'intrigue démarre très fort avec le vol des Gundams sur Héliopolis et enchaine sur une dizaine d'épisodes très éprouvants pour le spectateur qui suit la poursuite de l'Archangel par les Zafts comme il suivait la poursuite des hobits par les cavaliers noirs dans la Communaté de l'Anneau. Le suspens est au zénith, on meurt d'envie de voir l'épisode suivant lorsque le générique de fin approche, on est scotché. La suite, avec l'arrivée du vaisseau sur Terre, laisse la place à l'introspection de nos héros qui vont progressivement s'interroger sur leur place dans son conflit insensé avant de définitivement rejoindre le camp du bien pour la dernière gigantesque bataille. Les temps morts sont quasi inexistants et l'on arrive à la fin sans s'en être rendu compte. Du beau boulot.
Une excellence que l'on ne retrouve malheureusement pas dans la réalisation qui souffre directement des exigences marketing mentionnées. Il est visible que le studio s'est trouvé à court d'argent ou de temps avant la moitié de la série. Ce genre de problème, tous les studios d'animation les connaissent un jour ou l'autre. Certains s'en sortent mieux que d'autres et le fait est que Sunrise s'est magnifiquement planté. Pour faire de beaux jouets, Bandai devait faire de jolis robots, mais ils ont apparement oublié qu'il leur fallait aussi les animer. Il est vrai que les plans fixes font partie intégrante de l'animation et qu'il est facile de les masquer un jouant sur des dialogues percutants. Cela n'est malheureusement pas le cas des scènes reprises qui sautent au visage du spectateur le moins attentif. Certaines scènes (l'envol du Strike, les tirs courbés du gundam à la faux,etc.) sont reprises des dizaines de fois ce qui étonne au début, puis agace, irrite, énerve et finit par mettre en colère.
La deuxième grande faiblesse de la réalisation se situe au niveau de la réalisation des batailles. Lorsque les combats ne cessent de s'enchainer comme ici, il est nécessaire, pour ne pas lasser le spectateur, de donner du piment à chaque nouvel affrontement. Malheureusement, les batailles de Gundam Seed sont non seulement toujours les mêmes, mais elle souffrent aussi de l'absence totale de stratégie. Pour faire simple, les vaisseaux vont toujours tout droit, ils tirent dans toutes les directions, partout et surtout tout le temps jusqu'à épuisement des munitions. Les gundams, eux, sont invulnérables, évitent toutes les attaques et tirent eux aussi partout et tout le temps jusqu'à épuisement des munitions. Et il faut parfois plusieurs épisodes pour que les officiers redécouvrent des éléments simplissimes de la stratégie militaire, du genre concentrer le feu sur un même point afin de créer un brèche. Ceci, ajouté aux scènes reprises et aux dialogues (sur lesquels je vais revenir), finit par diluer complètement l'attention du spectateur qui attend alors à moitié endormi que la bataille arrive à son terme.
Ce qui est bien dommage car les "fins de bataille" sont généralement réussies et souvents porteuses d'émotions très intenses comme lors de la rentrée dans l'atmosphère de l'Archangel, sa fuite de l'Alaska ou la destruction de Orb. Des moments graves et touchants généralement porté par une excellente bande-son.
Terminons par le jeu des acteurs et les dialogues. Là encore, GS souffle le chaud et le froid. Le chaud lorsqu'il se concentre sur le destin de Kira et Azuran, sur la faiblesse et la perversité de Frey, sur l'amour naissant entre Muu et Ramiasu, sur le courage de Kagalli et de Lacus. Le sens de l'amitié, de la loyauté, la place de l'amour, le désir de vengeance sont autant de questions soulevées avec brio par les héros de cette histoire.
Mais GS souffle aussi le froid dès qu'il s'écarte de ces personnages pour parler des amis de Kira, dont les rôles sont affligeants de banalité (le rival, celui qui veut se battre et destiné à mourir, celle qui pleure le précédent sans raison apparente,etc.). De même les rôles dévolus aux méchants sont d'une banalité avérée entre Isaac qui fronce les sourcils et veut tuer tout le monde (façon Végéta) ou Kuruze qui sourit sous son masque et sort ses grandes théories nihilistes sur l'humanité et son rapport à la violence et à la guerre.
Les dialogues sont à l'image du reste, très bien amenés dans les scènes intimistes lorsque nos héros se posent les meilleures questions, ils tombent dans le débilisme profond et la surenchère de vocatif dès qu'une bataille se présente, la phrase la plus utilisée devenant alors le "Kira !" prononcé avec force et sans aucune autre proposition.
Pour résumer, GS avait les cartes en main pour être une très grande série, à commencer par un scénario captivant mettant en valeur les interrogations personnelles de héros charismatiques. Cependant la lourdeur des batailles plombées par l'absence de stratégie, une réalisation très étriquée et des dialogues sans queues ni têtes, empêche Bandai de toucher au but.
Dommage.