Critique de l'anime Monster

Anime monstrueux, Monster excelle dans ce registre de la démesure incroyable, fixé dans un univers que l’on accepte intégralement, et qui nous entraîne dans une épopée à cheval entre la science-fiction et le réalisme, sans jamais cesser d’attiser notre curiosité, notre soif de savoir. Naoki Urasawa, bien avant 20th Century Boys, se lança dans une épopée quasi romanesque, chargée d’idéaux et de conceptions qui n’auront de cesse de s’affronter jusqu’à ce que l’un l’emporte sur l’autre. Qui donc, de Johann ou de Tenma, saura imposer sa vision du monde à l’autre ?

Monster reprend à la grande littérature ce qu’elle fit de mieux, à savoir sa dissociation manichéenne du bien et du mal. L’affrontement de deux axes exagérés, caricaturaux mais avant tout charismatiques, enrobés de personnages secondaires rarement sans intérêt formera la trame principale de l’anime. D’un côté, Tenma, juste et idéaliste, prêt à se battre pour affirmer sa vision du monde. De l’autre, un individu unique, au passé aussi douloureux que sa vie actuelle est anesthésiée de tout. Les protagonistes spectateurs, parfois acteurs dans cet affrontement unique en intensité, seront parfois excellents, parfois seulement nécessaires. L’inspecteur Lunge, personnage clé de cette épopée, sera grisant à suivre, tout comme Nina Fortner, pour ne citer qu’eux. D’autres seront vitaux pour la suite de l’aventure, malgré leur manque réel d’intérêt.

Mais que l’on ne s’y méprenne, ce seront avant tout les nombreux retours dans le temps, à la sombre période de l’Allemagne de l’Est, qui donneront tout leurs poids aux évènements se déroulant sous nos yeux. Ses incursions dans un passé regorgeant de mystères et d’abjection donneront à la course poursuite de Monster de airs grandiloquents, et offriront une image cauchemardesque des desseins de l’humanité.

Au-delà de ce scénario déstructuré s’assemblant parfaitement sous nos yeux, au-delà du manichéisme omniprésent et de la quête désespérée du Docteur Tenma, siège un élément, poussant littéralement à la fascination du spectateur : Johann.

Personnage mystérieux pendant pas loin de soixante épisodes, mais néanmoins omniprésent, il sera le moteur vous garantissant la force de clore cette épopée bien plus vite que vous ne l’auriez imaginé. Fascinant par bien des aspects, il est la clé de voute de l’œuvre d’Urasawa, sans laquelle plus rien n’aurait la même intensité, ni le même intérêt. Mais laissons-lui la part de mystère qui est la sienne, car trop en révéler serait incontestablement nuire au plaisir que l’on prend à tout découvrir par soi-même.

Autre élément à savoir, Monster est incontestablement l’une des meilleures adaptations de manga qu’il m’ait été donné de voir. Respectant à peu de choses prêt le manga à la lettre, vous n’y trouverez ni lenteurs, ni longs résumés, ni quoi que ce soit qui puisse un tant soit peu altérer le plaisir que vous allez prendre à ingérer goulument cette série.

Les décors, au même titre que le character-design, sont excellents, si l’on apprécie à sa juste valeur le style d’Urasawa, ici parfaitement respecté. Les personnages sont aussi expressifs que variés, et l’animation m’a semblé irréprochable.

L’ambiance sonore est d’excellente facture, avec une instrumentalisation parfaitement adéquate et des doubleurs aussi crédibles que sérieux.

Les génériques sont, à mes yeux, de véritables introductions et conclusions nous faisant rentrer dans l’atmosphère si spéciale de cette histoire. Ainsi, du début à la fin de mon visionnage, je les ai écouté et regardé avec une intangible fidélité.

Vous apprécierez aussi, j’en suis sûr, les étranges illustrations de l’ending, qui prendront bien assez vite un sens insoupçonné.

Monster est un roman dramatique, qui malgré sa démesure parviendra, de part son étrange crédibilité, à vous maintenir haletant. Le scénario, l’ambiance et les personnages, qu’ils soient principaux ou secondaires, forment une alchimie presque parfaite, qui nous fait un coup trembler de peur, un coup frémir d’extase, et qui à tous les coups saura vous émouvoir, de part ses joies et ses mélancolies.