A priori il n'y a pas grand-chose à attendre de cette oeuvre : sorte de variante à mi-chemin de Ken le Morvivant et de Kenshin le Flagada, on ouvre la chose en s'attendant au pire, ne serait-ce que parce que la tenue de Sando (la fille avec le glaive) sent le fan service à plein nez... et l'on s'aperçoit alors que le Nouvel Angyo Onshi est vraiment exceptionnel.
Ecrit et dessiné par deux Coréens ne parlant pas japonais mais publiant au Japon, ce manga est un hybride étonnant parvenant à faire siennes toutes les qualités du manga, tout en conservant un dessin typique des meilleurs manwhas : le trait est chargé, lourd, fourmillant de détail tout en privilégiant les contrastes forts, l'encrage étant très travaillé et ne rechignant pas à vider des litres et des litres d'encre sur chaque planche. Pareillement, les visages sont fins et détaillés, et les arrière-plans sont aussi riches que le reste. C'est effectivement le dessin qui accroche le lecteur en premier lieu.
Vient ensuite le scénario : un homme erre dans une Corée en pleine anarchie, redressant les torts au cas par cas, grâce à une amulette lui permettant d'invoquer des guerriers-fantômes (de toute beauté). La trame est banale. Le traitement l'est moins : non seulement l'identité coréenne des auteurs se perçoit, mais elle donne à ce manga tout son cachet : ce ne sont que forêts et animaux splendidement représentés... de même, chaque séquence est intitulée "classique" : les auteurs à chaque fois adaptent une légende coréenne et la font entrer dans la trame principale. A chaque fin de chapitre un paragraphe intitulé "un peu d'histoire avec le Nouvel Angyo Onshi" vient expliquer la part de vrai et de fiction de chaque chapitre : cette démarche est passionnante, ce sont les plus grands contes et légendes de la Corée qui se déroulent sous nos yeux, adaptés pour un public japonais avec un didactisme remarquable et jamais condescendant. Une grande réussite de ce point de vue-là.
Sans ces qualités de premiers plans, ce manga ne serait qu'un émule de Kenshin, avec son histoire de vengeance à rallonge, et ses combats très nombreux ; pourtant, les auteurs parviennent ici à individualiser chaque chapitre, évitant parfaitement l'écueil de la répétition et de l'ennui. Le tout est si bien ficelé que dès le volume 2 on n'a plus aucun mal à trouver normale la tenue franchement osée de Sando, personnage, soit dit en passant, splendide tant graphiquement que dans son développement psychologique. Quant à Mun-su, ce héros a de quoi figurer au panthéon des meilleurs personnages de mangas, tant il parvient à éviter le cliché du "héros torturé en quête de pardon". Apparemment musclé, le Nouvel Angyo Onshi est en fin de compte d'une finesse peu répandue dans ce type de mangas.
Préparez-vous pour ce monument : "voici venir l'Angyo Onshi", son sando, et son écuyer minable.