L’histoire est un éternel recommencement, comme dirait l’autre. Après avoir été rangé au grenier dans les années 80, l’œuvre de Leiji Matsumoto fait l’objet d’une redécouverte de la part de ses fans aujourd’hui devenus réalisateurs. Après l’excellent Yamato 2199 et le merdique Ozma, c’est au tour de Captain Harlock, ou Albator de ce côté-ci de la planète, d’avoir droit à son reboot.
Une réinterprétation au cinéma à 30 millions de dollars, le plus gros budget jamais levé par la Toei. On se doute bien que de tels moyens n’ont pas été réunis au hasard, le projet ayant pour but de montrer au monde de quoi sont capables les japonais en matière d’animation 3D réaliste. Et on ne saurait en effet prendre le film en défaut sur sa partie technique, L’animation et la cinématographie étant parfaitement maîtrisés sans pour autant transcender ce qu’on a déjà pu voir en imagerie numérique et dans les jeux vidéo depuis plusieurs années. Mais, et Albator dans tout ça ?
Albator, le justicier romantique dont le cœur est censé être « bon et grand pour tous les enfants » dixit la célèbre chanson, prend la forme dans ce film d’une sorte de vampire immortel particulièrement froid et antipathique. Les scénaristes étaient semble-t-il tellement impressionnés par l’aura du personnage qu’ils l’ont carrément transformé en demi-dieu invulnérable, qui porte le poids de l’Univers sur ses épaules et qui bouge en faisant voler sa cape dans un mouvement totalement artificiel. Les autres personnages ne dépassent pas le stade du faire-valoir, hormis Yama qui aura la lourde tâche de faire avancer une histoire à l’intérêt vacillant. Le récit avance sous perfusion régulière de retournements de situations douteux, avec un protagoniste qui change de camp comme de chemise et des super-armes capables de détruire l’univers entier qui sortent du chapeau de scénariste quand il en sent le besoin. Les quelques bonnes idées arrivent dans le dernier quart du film et ne sont donc pas suffisamment bien amenées ni exploitées pour sauver ce scénario bien trop gourmand en symbolique, au point de totalement vider le film de sa substance et de sa vraisemblance.
Au niveau esthétique, le chara-design tente tant bien que mal d’imiter la patte inimitable de Leiji Matsumoto, mais pour le reste on a droit à un mélange steampunk-fantasy emprunté aux restes de Final Fantasy. Mention spéciale à l’Arcadia, le vaisseau d’Albator en forme de croc de boucher gothique repoussant. Pour finir, autant je n’ai rien contre les films d’animation 3D dès lors qu’ils sont pensés en 3D (à la différence des animes 2D qui incorporent de la 3D par compromission artistique), autant ça ne m’intéresse pas de retrouver dans mes animes le fameux « jeu d’acteur japonais » tout en hyperboles et en mimiques agaçantes…
Albator version 2013 a fait un bide au Japon, sa terre d’origine, où il n’a rapporté qu’à peine 10% de son budget durant ses deux premières semaines d’exploitation en salles. Le film marcha mieux en Occident, notamment en France où il fera plus d’un demi-million d’entrées malgré de sévères critiques. La Toei et Shinji Aramaki peuvent donc remercier les fans nostalgiques des années 80, même si ce film ne leur aura certainement pas fait retrouver le héros de leur jeunesse.
(Et pour ceux qui souhaiteraient redécouvrir l’Albator authentique, c’est ici que ça se passe).