Critique de l'anime Darker than BLACK

» par sugawara le
02 Juin 2010
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CHRONIQUE DU SUCCES D'UNE DEROUTE ANNONCEE

Il est des œuvres qui parviennent à convaincre de leur valeur singulière, alors que tout est a priori contre elles. Qui se serait donné la peine de lire « Ainsi parlait Zarathoustra », s’il s’en était tenu au résumé (les aphorismes obscurs d’un ermite légendaire qui veut se surmonter dans l’innoncence de l’enfant … Ca ne veux rien dire, avouez le) ? Si l’on avait pas fait l’effort de dépasser les premières secondes de « Berlin » (chef d’œuvre de Lou Reed) en croyant qu’elles représentaient toute la chanson, que n’aurait-on pas perdu ? On raconte également que la publicité de Barry Lindon aux états-unis a été tout à fait calamiteuse (« The film that shocked sophisticated Europe » proclamait la publicité originale, faisant plus penser, de l’avis même de Kubrick, à un film érotique ou autre, qu’au chef d’œuvre qu’on connait).

Il est sans doute rassurant de réfléchir sur ce genre d’exemples, qui montrent qu’après tout, tout est possible et qu’il ne faut pas se fier à la première impression, qui n’est pas pour autant monacale, comme le dit le célèbre dicton. Mais, il n’empêche que, dans l’immense majorité des cas pratiques, se fier à ce qu’une œuvre semble être pour la juger, est une démarche qui a prouvé sa valeur. Et que, quand on pressent qu’on va être confronté à quelque chose de décevant, mieux vaut prendre ses jambes à son cou, ou s’il est trop tard, détourner le regard (d’un mouvement dégouté).

Prenez un anime qui a pour trame de fond un Tokyo contemporain en proie à des phénomènes paranormaux. La ville est marquée par l’apparition du « Hell’s Gate » la porte des enfers (rien que ça), qui est une sorte de brouillard –un passage vers une dimension paralléle ??? on ne sait pas- venu on ne sait comment, circonscrit par un immense mur à un zone limitée, qui confère à certains individus, les « contractors » des pouvoirs surhumains. Pas n’importe quels pouvoirs, non, les bons vieux pouvoirs classiques vu et revus : utiliser la foudre, la glace, le vent… Comble du comble, le personnage principal est un jeune homme qui a une double identité, de jeune étudiant, et de contractor redoutable. Les ficelles traditionnelles de l’animation japonaise, ressemblent ici à des câbles d’hélitreuyage. Le titre, Darker the black, ne rattrape rien, on pourrait difficilement imaginer quelque chose de plus Shônen. Eh bien, je pense que vous concevez avec moi que cette série paraît mal engagée pour sortir des poncifs les plus clichés de la Japanimation.

Et rien n’est plus faut que cette première impression. DTB est indéniablement une série de grande qualité, malgré son apparence d’abord calamiteuse, ce qui vous réconcilie avec l’espoir de tomber un jour par hasard sur un génie méconnu, et de vous rendre compte que votre patron au boulot est sous ses dehors d’imbécile tyrannique un homme au grand cœur. Mais, malheureusement, c’est une très bonne série mais qui n’atteint pas l’excellence : le très bon rejoint en effet le moyen – mais à mon soulagement, on ne descend jamais en dessous.

DARKER THAN BLACK : LA FINESSE , LA RETENUE, LA PUDEUR SENTIMENTALE ET EMOTIONELLE

C’est, à l’instar de Moribito, LE gros point fort de l’anime. Une grande retenue, très rare et appréciable dans la japanimation, où la débauche de sentiments est souvent pratiquée. Parfois avec un grand succès, avouons le, comme dans Code Geass . Souvent dans un pathos larmoyant et cliché.

Cela évoque aussi une autre œuvre très connue, Cowboy Bebop. Ce n’est pas un hasard, et DTB partage beaucoup de points commun avec son illsutre ainé : la maison de production déjà, la prestigieuse maison Bones. Le story telling aussi : DTB est constitué d’une succession d ‘arcs de 2 épisodes chacun et les personnages secondaires apparaissent et disparaissent rapidement. Un peu plus de détails à présent, pour illuster mon propos : Les contractors, en résumé, souffrent, du fait de leur pouvoir de deux choses : un « paiement » (un rituel compulsif qu’ils doivent accomplir après avoir utilisé leurs pouvoirs… Ce qui rappelle beaucoup les TOC d’ailleurs– troubles obsessionnels compulsif –en tout cas pour quelqu’un qui en a souffert.) et surtout une perte d’émotion remplacées par un prisme mental très rationnel. Le protagoniste, Hei, est lui même un contractor, de ce fait traqué par la police et embauché par le ‘Syndicat ‘. Tout ça pour en arriver à un exemple : l’une des questions essentielles que pose l’anime est celle des sentiments véritables du personnage et globalement des contractors qui gravitent autour de lui. Aucune réponse n’est jamais donnée, tout juste ébauchée. Peut-être cela n’est-il que la manière dont les autres voient les contractors, peut-être la perte d’émotion est simplement liée à la tensions dans laquelle vivent les contractors rejetés par la société, ou peut être cela est-il vraiment une de leur caractéristiques ? On ne sait même pas ce que pensent à ce sujet les protagonistes – au premier rang desquels Hei. Cela est tout juste suggéré à travers quelques traits esquissés de leur comportement, et laissé à la libre interprétation du spectateur.

Ce n’est là qu’un exemple, et d’autres enjeux sont traités de la même manière.

Une grande retenue et justesse, qui est aussi la caractéristique de Cowboy Bebop par ailleurs : ainsi comment ne pas admirer l’incroyable finesse des sentiments qui unissent l’équipage, amitié, affection, tensions, jamais évoquées clairement, mais pourtant devinées par tous, sans que jamais cette pudeur qui caractérise la vraie empathie ne se rompe, excepté dans les situations extrêmes.

Même à travers le comportement des personnages secondaires on devine une grande richesse, esquissée à quelques traits.

Une retenue qui se retrouve également dans les combats : contrairement à mes pires craintes, les combats sont esthétiques mais courts. Rien d’un choc des titans dotés de super pouvoirs, tout en rapidité et en sobriété.

Un autre point fort de l’anime est sa capacité à poser un univers et une ambiance particulière. L’idée des « paiements » par exemple est très bonne. A tel point qu’on pourrait voir dans toute la série une métaphore. Un peu comme Evangelion se voulait une métaphore du statut d’Otaku, au-delà d’une histoire de mechas, je verrais (peut-être par expérience personnelle, puisque je suis et j’ai été exactement dans ce cas. C’est donc très subjectif) dans DTB une métaphore des individus à haut potentiels, rejetés par la société de par leur mode de pensée ultra-rationnel, soumis à des comportement compulsifs de défense (les « paiements »), qui ne se comprennent vraiment qu’entre eux sans pour autant se révolter. Ce n’est pas une analyse aussi loufoque qu’elle en a l’air, plus j’y songe, plus je la trouve cohérente.

Quant aux ambiances, à certains moments, DTB peut se montrer digne des meilleurs films hitchcockiens en matière de suspens. Deux épisodes qui se passent à quelques mètres du Gate, dans un avant poste de recherche font preuve, grâce à un excellent travail sur la musique entre autre, mais aussi sur la tension qui marque les personnages soumis au stress constant de la proximité avec le gate et du confinement, d’une dimension oppressante hors du commun.

POINTS NEUTRES

La musique, parlons-en. Parfois elle atteint des sommets (comme ce que je viens d’évoquer), mais souvent, elle demeure simplement une bonne musique « de support » comme on dit parfois dans le domaine vidéoludique : rock sombre, métallique, pop torturée… Qui colle bien à l’ensemble, mais – et c’est là où DTB pèche par rapport à son illustre ainé – n’a rien en tant que telle d’exceptionnelle ni même de remarquable (même si les openings sont bons).

Un autre point technique : l’animation. Une animation sobre. Qui fait bien son boulot, plutôt dans le haut du panier des productions actuelles, on n’y prête pas spécialement attention, donc elle remplit parfaitement son rôle. Mais elle n’a rien de sublime (comme celle de serei no Moribito par exemple). Enfin, ça n’a rien de tragique, de nombreux excellents animes n’ont pas une animation excellente.

DES OMBRES AU TABLEAU, POURTANT DEJA PLUS NOIR QUE NOIR.

Ni l’animation ni la musique ne sont des défauts, mais ce ne sont pas non plus des qualités. Leur facture est en fait plutôt honorable.

Mais DTB a aussi des défauts, et des vrais cette fois ci. Assez marqués, et qui l’empêchent d’atteindre le degré d’excellence auquel parviennent seulement quelques rares chefs d’œuvres. La retenue si magistrale, l’incroyable capacité à déjouer les clichés, vole parfois mystérieusement en éclat. Notamment, le cliché du « type bourru à cause d'un chagrin d'amour mais en fait au grand cœur » se glisse au travers de deux ou trois épisodes. Cliché inexplicable et qui fait franchement tâche dans une œuvre de cette qualité générale. Il y en a d'autres, mais je ne les mentionnerai pas pour ne pas spoiler.

Le story telling est également assez haché. Le traitement en deux épisodes par thème est bien géré, mais on sent que l’histoire prend une direction particulière vers la seconde moitié de l’anime, et s’accélère, de façon assez artificielle. Un manque de continuité regrettable. La fin également, tombe à un certain moment, dans le symbolisme facile (et incompréhensible) à la Code Geass et à la evangelion. Mais là franchement je pinaille, et ça ne gâche vraiment pas la qualité de l’œuvre . Mais DTB n’est plus parfait. Ceci dit, Cowboy Bebop non plus ne l’était pas (avec un Spike parfois cliché, un personnage de jeune génie informatique qui portait sur les nerfs- Ed), et on l’a accepté avec ses défauts sans s’en soucier outre mesure.

Enfin, mais ce n’est pas vraiment un défaut, l’univers de DTB est très oppressant à la longue, dur, épuisant – un peu comme celui d’Evangelion. L’humour est bien, heureusement, présent (à travers le personnage du detective et de sa très charmante assistante fan d’animation par exemple), mais parfois il se fait rare alors que relâcher la tension aurait été bienvenu. C’est cependant pour ça que le dernier épisode (episode 26 OAV indépendant) n’a pas de prix : dans ce dernier, les scénaristes se lâchent et parodient eux même DTB, dans un épisode d’autant plus drôle et libérateur que toute la série n’était que tension refoulée. Pour moi, cet épisode est aussi un des plus drôle que j’ai vu, en tant que tel mais essentiellement dans l’optique de la série.

QUELQUES (BONNES) PAROLES DE CONCLUSION

Pour conclure, je reste sur l’impression que j’ai vu une série de qualité. Pas un chef d’œuvre malheureusement, parce que certains éléments sont d’une qualité moyenne, et des clichés s’y glissent à quelques rares occasions (mais ce sont des occasions de trop), mais un anime qui n’en reste pas moins tout à fait intéressant.

NOTE

J'ai toujours eu quelques difficultés à résumer un bon anime dans une note. DTB ne fait pas exception à cette pénible règle. Je mettrai, puisqu'il faut bien me décider, un 8 sur 10, qui tiendrai en fait plus du 8.5. Les qualités de DTB sont indéniables, mais on ne peux ingorer ses défauts, qui restent heureusement rares.

Verdict :8/10
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A propos de l'auteur

sugawara, inscrit depuis le 02/06/2010.
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