Vous connaissez cette fameuse pile d'animés en suspens qu'on doit regarder mais qu'on n'a pas encore osé attaquer car le coeur n'y était pas? je suis fier d'annoncer que Kemonozume n'en fait plus partie! Ah les joies des archives... Elles regorgent parfois de sacrés phénomènes.
En effet on ne peut pas parler de cette oeuvre comme d'un anime facilement abordable et ce dernier vous le fait sentir avec son charadesign plutôt singulier. Notons que celui-ci a un léger air d'Amer Beton, les deux étant sorties durant la même période, coïncidence? D'autant plus que la trame est d'ailleurs relativement semblable dans son développement. Mais passons, histoire de marquer le coup vient ensuite le vacarme d'un opening punk sur fond de jazz bebob. Voilà, vous avez une idée de ce à quoi vous vous frottez.
La série possède un éventail de personnages sensiblement unique et on les appréciera d'avantage pour leurs défauts que pour leurs qualités, ce qui les légitimise à nos yeux dans l'amour comme dans l'horreur.
Kemonozume souffre du même défaut que certains OAV célèbres de SF comme Akira, Bubble Gum Crisis, Silent Moebius ou Ghost in the shell. C'est-à-dire d'un background inexistant et d'une explication du contexte, plutôt succincte. Pas de mise en bouche donc puisqu'on est parachutés dans le feu de l'action sans vraiment connaitre le pourquoi du comment.
Alors que la durée de ses prédécesseurs forçait une trame condensée et dynamique, Kemonozume qui a pourtant l'avantage d'un format série, choisi la même option en toute connaissance de cause. Cette série prouve donc qu'elle est complètement débridée tout en faisant preuve d'un pragmatisme exacerbé. Une hyperbole à l'image d'un staff qui ici, ne fait pas dans la demi-mesure. D'ailleurs, à bien y regarder, son scénario frôle le prosaïsme. La fuite des amants passionnés faisant face à un amour que tout oppose est un classique maintes fois abordé. Quant aux Shokujinkis, ou akumas, ou yokais, ou ce que tu veux, confrontés dans une éternelle bataille face aux vaillants sabreurs, c'est un peu la base quoi.
Seulement les graphismes cher à maitre Masaaki sèment le trouble comme il sait si bien le faire. Le mariage est osé, le type dépoussière et reprend le tout à sa sauce. Kemonozume sait qu'il est un dessin animé, et en tant que tel a décidé de libérer le trait de crayon de son étriquant collier afin qu'il puisse pleinement s'exprimer! Quant à ces couleurs à la fois ternes et bigarrées, elles font merveille avec cette animation fébrile, véritables clins d'oeil à The Tatami Galaxy et Mitchiko To Hatchin.
Ce super combo permet surtout de mettre à l'honneur un cocktail entre gore et sensualité, un fétichisme malsain et pervers presque palpable. Ce n'est pas gratuit au contraire cela fait sens et donne de la matière au récit. Ici on sublime le médium de l'animation, trop souvent cantonné à des productions édulcorées et politiquement correctes depuis l'avènement de l'ère Shonen!
La série est aussi bourrée de symboles qu'un film de Jodorowsky mais a-t-on vraiment besoin d'intellectualiser? Non car après tout on s'en fout! et ce n'est pas important qu'un singe vienne faire des siennes tout au long de l'animé, disons que c'est la touche Fuli Culi propre aux productions marginales.
Pour revenir à du concret on note toutefois une baisse de rythme qui caractérise le calme avant la tempête du dénouement. La fin est à la hauteur et rassemble ses acteurs, on s'attend à un final shakespearien et on a presque envie de paraphraser Mercutio. Finalement on a plutôt droit à une montée sous acide, plus psychédélique tu meurs! D'ailleurs ce final qui ne m'a pourtant pas déçu et qui fait la part belle au machiavélisme de celui qui tire les ficelles, finit par devenir trop pesant, alors qu'il aurait pu être écourté en beauté.
Toutefois on l'oublie vite lors de la conclusion, elle est le reflet de ce qu'est Kemonozume : une création qui échappe au dictat des productions génériques. Une oeuvre sensible et unique pleinement émancipée et qui s'assume comme tel.