Le festival international du film de Berlin 2002 et son jury d'anciens enfants venus honorer une année de cinéma «pour adulte» offre l'Ours d'or du meilleur film de l'année à ce film d'animation dont l'histoire est l'aventure de cette enfant à la bouille sympathique, racontée par ce vieux papy dont les «petits-enfants d'un soir», déjà conquis par sa princesse Mononoké, attendaient émus ce moment où quelqu'un lui dirait ce qu'ils auraient aimé lui dire en personne. Monsieur Miyazaki maintenant publiquement remercié comme il se doit, je me permet quand même ce vain remerciement personnel.
Le voyage de Chihiro commence donc avec cette petite fille, allongée au fond d'une grande voiture, portant un bouquet de roses fanées que ses parents lui ont offert avant de partir emmenager dans leur nouvelle demeure. Croyant prendre un raccourci, son père s'engouffre sur un chemin pavé en forêt, bordé par d'étranges statues. La famille finit par se retrouver devant un tunnel au bout duquel ils vont trouver ce qu'il leur semble être un parc à thème, qu'ils vont visiter par curiosté et qu'ils quitteront difficilement.
Bienvenue dans un monde où les grenouilles se baladent en peignoir, où les lignes de chemins de fer sont à sens unique, où les boules de suifs travaillent à transporter le charbon, où de petits bonhommes en papier attaquent de puissants dragons, où les rivières polluées viennent se nettoyer dans de grands bains thermaux, où le triton grillé est une friandise enviée et où les vestiaires sont à l'entrée ... Vous êtes d'ailleurs priés d'y oublier votre bon sens, votre journée, votre identité et surtout votre âge. C'est beau, la musique est magnifique et le rythme berce. La magicien Miyazaki envoute, encore une fois et pendant que nous, nous retombons en enfance dans ce monde féerique, la petite Chihiro, elle, se voit catapulter de force dans un monde d'adulte, qui ressemble subtilement à celui duquel on vient de nous arracher. Elle va s'y debattre avec un courage qu'on finirait presque par envier, nous, les adultes. Comme d'habitude, il n'est pas question de grand méchant au dessein égocentrique, personne n'est coupable, au pire tout le monde est complice. Ode à l'enfance, vu de l'esprit de notre société ou voyage initiatique, finalement les interprétations possibles de ce récit ne sont qu'une cerise sur ce gâteau d'anniversaire vanille-fraise dont on soufflerait bien encore et encore les bougies, les yeux gourmands, emmerveillé par ces seulement quelques flammes qui vacillent, comme quand on était enfant.