Que ce soit dans Perfect Blue ou dans Millenium Actress, Satoshi Kon avait déjà exploré la piste de l’intrusion de l’imaginaire dans la réalité. Dans Paprika, le réalisateur continue sur sa lancée en s’attaquant cette fois aux rêves. Par l’intermédiaire d’appareils high-tech du nom de « DC Mini », des scientifiques parviennent à infiltrer les songes d’autrui, dans un but purement thérapeutique cela va sans dire. Manque de pot, plusieurs exemplaires de cette merveilleuse invention sont dérobés et les accidents se multiplient : les pensées indésirables d’un mégalomane parasitent les rêves d’innocentes victimes, allant jusqu’à menacer leur intégrité mentale (et physique du même coup).
Voilà en gros les bases de la dernière production de Satoshi Kon. Le coup de la frontière vacillante entre fantasme et réalité, c’est clair qu’on nous l’a déjà fait, et de façon beaucoup plus développée. Et en dépit de la chouette idée du double onirique d’Atsuko (la fameuse Paprika) qui ouvrait pas mal de possibilités, le développement de l’histoire reste tout ce qu’il y a de plus sage. L’auteur ne le cache pas, il voulait offrir à son public un pur divertissant, pas un truc cérébral qui prend le chou. En clair on n’a aucun mal à suivre les différentes péripéties, personne ne s'en plaindra. Par contre, petit regret au niveau des relations entre les personnages qui restent un peu trop superficielles, mais ce n’est pas évident de tisser des liens forts entre les protagonistes d’un film d’une heure vingt cinq.
Le génie de ce film est ailleurs : dans la réalisation technique et artistique. Les surprenants thèmes musicaux ne sont peut-être pas nombreux, mais ils collent très bien à l’action (excellent générique, parade assez grandiose…). Le graphisme apparait comme une énorme réussite avec ses décors fins, bourrés de détails, colorés et mis en lumière avec soin. De plus, le character design très moderne en jette à bloc. Déjà bluffante dans Tokyo Godfathers, l’animation est là encore riche et soignée. Quant au numérique, il se montre aussi efficace que discret, à quelques exceptions près. La plupart du temps la 3D se marie parfaitement avec les dessins traditionnels. Citons quelques scènes impressionnantes comme celle du couloir « mou » qui se déforme ou les nombreux plans aériens avec Paprika.
Bien sûr, la maîtrise technique ne serait rien sans l’immense talent des designers qui ont brillamment retranscrit les délires oniriques de Satoshi Kon : les métamorphoses de Paprika ou de ses ennemis, les créatures grotesques de la parade (poupées parlantes, robots, grenouilles géantes), l’interactivité entre les multiples environnements, réels ou non, etc. On assiste à une vraie explosion de couleurs, que dis-je, un somptueux ballet (probablement composé sous l’emprise d’herbe qui fait rire, mais je m’égare). En conclusion je m’attendais à une trame un peu plus capillotractée, mais le spectacle était bel et bien au rendez-vous.