Les featurings entre la Toei Animation et Kenji Nakamura, réalisateur qui a de la suite dans les idées, offrent toujours d'intéressantes surprises. L'histoire d'un anime barré, c'est un peu près comme ça qu'on nous vend Kuchu Baranko de prime à bord. On pense à l'anime prétentieux qui scande l'originalité pour l'originalité sauf que la série malgré ses allures d'ovni avec un pet au casque, est en fait particulièrement bien pensée, de la première jusqu'à la dernière minute.
Kuchu Baranko prend la forme d'une suite de nouvelles anecdotiques comme dans Natsume Yuujinchou. À la différence qu'au lieu de moments de blanc propices à la contemplation, la jolie musique et la poésie facile, ( Je n'ai rien contre ce cher Natsume, au contraire je l'apprécie même assez, d'ailleurs il aura aussi droit à sa propre critique!) l'anime s'attaque à l'ambitieux thème de la psychanalyse, rien que ça!
Pour le coup la série met plutôt du Red bull dans notre vin et ceci en soit mérite déjà des encouragements. L'autre nuance est que le leitmotiv de Kuchu Baranko est de produire des histoires conclusives et indépendantes les unes des autres. Un exercice difficile car cela implique de maintenir une cohérence et un niveau d'excellence répondant aux attentes survenues lors des premiers épisodes, à titre d'exemple, le plutôt bon Mushishi. Gérer le rythme de la progression et faire perdurer l'attrait des premiers instants paraît en effet difficile pour la Japanimation qui a tendance à produire des compositions inégales faisant souvent l'effet d'un pétard mouillé, là je pense notamment, au vain Yozakura Quartet. Pourtant le petit protégé de Kenji Nakamura remporte le défi haut la main.
L'anime a donc l'ambition de proposer un cas de trouble psychique différent à chaque épisode, offrant dans la découverte des diverses afflictions qui affectent les protagonistes ainsi que la façon dont ces derniers s'y confrontent, un entrain des plus ludiques. Cette habilité à varier les plaisirs est caractérisée par un graphisme hybride alternant photomontage de la réalité et dessins, à l'instar du nébuleux MindGame. Le rendu a de quoi repousser à première vue, pourtant il se révèle être un outil diégétique particulièrement adapté au sujet qu'il traite, et permet le recours à d'astucieux mécanismes figurant parfaitement l'état d'esprit altéré des patients. À tel point que la suspension consentie de l'incrédulité du spectateur passe comme une lettre à la poste pour peu qu'on accepte les envies délurées que s'octroie la série.
Au travers de son esthétique trublionne, Kuchu Baranko est plutôt équivoque et propice à l'interprétation. Comme une allégorie du bordel qui se passe dans la tête des protagonistes, les décors et arrières plans sont agrémentés de formes géométriques invasives. Le germe du pétage de plomb né d'obscurs traumatismes est symbolisé par la récurrente propagation de formes concentriques qui me semble d'ailleurs être un clin d'oeil à l'art psychosomatique de l'artiste emblématique, Yayoi Kusama.
De même pour le calendrier, avec la répétition du nombre dix-sept et qui peut faire penser au nombre des différentes classes de troubles mentaux que mobilise le DSM-IV, la dix-septième pouvant être interprétée comme l'impossibilité de suivre le rythme de l'accélération généralisée. Si on continue comme ça on peut même se dire que la face enfantine d'Ichiro Irabu fait écho à la troisième métaphore de Nietzsche (Ah le type qui étale sa culture bidon sur sa tartine!). Ou alors peut-être est-ce juste un délire façon Fight club et qu'Irabu n'est que la matérialisation vaporeuse de notre conscience, cherchant à faire entendre sa voix et nous faire entendre raison par la même occasion! Car après tout, tout ça est surement dans notre tête, la psychanalyse, peut-être un truc de charlatan et qu'en fait par immanence, nous sommes les artisans d'antinomiques conflits. À ce titre, la conclusion poignante en profite pour pointer du doigt l'exemple manifeste d'une société nippone sous pression. Mention ++ à l'opening pop mais surtout à l'ending, qui en plus d'offrir un bon remix house de Bebu Silvetti, laisse un agréable arrière-goût à chaque conclusion.
Ainsi formulé, ce dernier paragraphe ambivalent fait un peu "super-cool" et "super-complexe" pour que dalle. Pourtant Kuchu Baranko est à prendre comme il vient : les méthodes excentriques d'un psychiatre qui l'est tout autant, face aux élucubrations de types drôlement atteints! La force de Kuchu Baranko réside probablement dans la justesse de son propos. La série ne verse pas dans le pathos et ne propose pas de solution miracle, son approche est résolument humaine dans tout ce que cela induit. S'il est donc une chose à retenir au final, c'est que chacun doit faire face à ses névroses, ses complexes et ses frustrations au quotidien et que pour ça il n'y a pas de manuel, tu fais avec mon pote, comme tout le monde!