12. PS. Désolé, je n'ai pas pu m'en empêcher. Je veux que vous compreniez qu'une critique n'est pas quelque chose qui s'envisage linéairement, mais qu'on la construit par petits morceaux, par agrégation de petits constats et de réflexions infimes désordonnées, qui ne se retrouvent structurées par un plan nébuleux qu'au dernier instant – celui de l'écriture.
7. Et puis je me suis lassé. Lassé de constater qu'arrivé à la mi-série, j'avais toujours du mal à comprendre qui était allié avec qui, quelle était au juste la mission donnée à tel gorille, qui est encore en vie et qui est mort il y a plus d'un an, pourquoi l'un veut tuer l'autre et ainsi de suite. Maintenant que je l'ai terminée, je pense que j'ai compris l'essentiel, mais je suis surtout certain que tout ça était bien pénible.
8. Il y a une raison pour laquelle on expose des personnages avant de les utiliser. Baccano aligne un casting étouffant de personnages sympathiques d'aspect mais désagréablement inconnus. Après quelques épisodes à laisser ces considérations de côté, je me suis rendu compte que beaucoup de scènes manquaient cruellement de saveur. Allez-y, expliquez donc à cette enfant le terrible sort qu'a subi son frère, je ne suis même pas sûr de pouvoir donner leur donner un nom; quant à savoir quelle était leur place dans la vaste intrigue de Baccano, oublions.
1. Dans une pièce sombre et encombrée d'une impressionnante quantitée de journaux et de papiers divers, un monocle à l'oeil, l'élégant vice-président d'une agence de renseignements doublé par Norio Wakamoto enseigne à une gamine espiègle en quoi consiste l'art – et quel art... ! – de raconter une histoire. D'après lui, puisque les évènements dont parle Baccano réunissent chacun une multitude de personnages aux motifs divers, sont le fruit de coïncidences complexes et ne sont expliquables que dans leur intrication, il faut renoncer à leur trouver un commencement et un protagoniste uniques. Ainsi justifie-t-on que le récit soit raconté par une quinzaine de personnages différents, et qu'aux conséquences soient juxtaposées les causes: au Diable la chronologie
11. Shots have been fired. Que reste-t-il au final de Baccano, somme de jolies qualités et de défauts frôlant la catastrophe? Eh bien, un anime somme toute correct qui, si l'on oublie l'agonie des derniers épisodes, ne se départit jamais complètement de ses bonnes intentions. Son ambiance jazzy est réussie, son setting est sexy, ses gunfights sont convaincants. L'écriture est par contre décevante, et ne parvient pas à motiver un affront aussi violent à la chronologie, rendant par moments l'anime plus pénible qu'excitant à regarder. Tristement, je ne retiens aucun grand moment, aucune grande scène de Baccano, juste un patchwork de scènes entre panache et médiocrité. Je m'attendais à mieux, et pas mal de choses m'ont sérieusement énervé dans ce que Baccano a maladroitement oublié de faire. Bah! Isaac et Miria à eux seuls méritent bien la moyenne, les gunfights à bord du Pussyfoot tout autant, et je veux bien accorder à Baccano un sixième point pour sa volonté salvatrice de changer les habitudes de la japanimation.
6. Jusqu'à la moitié de la série environ, je me suis laissé convaincre. Il y avait quelque chose d'amusant dans cette manie de sauter d'un évènement décisif à ce qui l'a déclenché bien plus tôt, puis d'en entrevoir la conclusion avant de finalement transitionner vers quelque chose de complètement différent pour conserver un peu encore l'étincelle de la résolution. D'ailleurs, le rythme de Baccano est sans failles: chaque épisode a ses scènes d'action, de vie quotidienne, de dialogues grandiloquents et de petites révélations en bonnes proportions.
2. C'est ainsi que s'ouvre Baccano: par une petite réflexion méta loufoque, entrecoupée de diverses scènes – de vie, d'action, de dialogue – entre des personnages très divers, que l'on ne connaît pas encore. Une introduction atypique, sans nulle doute, et à l'image de la série: en plus d'adopter une narration fortement non-linéaire, elle se paye le luxe de prendre place dans les grandes villes américaines des années 30, un setting presque unique en japanimation. Impossible de s'y tromper, Baccano est un anime qui fait tout ce qu'il peut pour être différent. Evidemment, il l'est.
4. Tant qu'il est question de la réalisation, je pense que l'opening mérite une mention particulière. Parce qu'il est très malin. Premièrement, tout simplement parce que son thème jazzy est probablement la meilleure façon d'introduire l'ambiance de Baccano; je recommande vivement n'importe qui envisageant de voir Baccano de commencer à jeter un œil à l'opening sur Youtube pour se faire une idée du meilleur que la série ait à lui offrir. Deuxièmement, l'opening intègre le récap de l'épisode précédent, plutôt que de le précéder ou de le suivre; comme ce récap prend la forme d'au plus vingt secondes d'images montrant les évènements passés qui seront importants pour l'épisode du jour, et que l'anime est en soit très embrouillé, la piqûre de rappel n'est ni pénible ni accessoire. Troisièmement, l'opening fait de son mieux pour créer du liant là où tout paraît déconnecté: son thème est repris sans cesse dans Baccano, sous diverses variations, comme pour nous rappeler que tout fait partie intégrante d'une vaste histoire unique. Et ce liant prend aussi une forme graphique: l'opening est une suite de petites séquences présentant chaque personnage en transitionnant toujours astucieusement de l'un à l'autre. J'ai rarement eu l'impression qu'un générique d'ouverture soit autre chose d'un amv promotionnel permettant au mieux d'introduire vaguement une série; mais Baccano fait office d'exception, avec cet opening à la fois délicieusement adapté et redoutablement fonctionnel.
3. Voilà une série qui m'a inspiré beaucoup de sympathie dès son premier épisode. Déjà, qui prétendrait ne pas avoir d'intérêt pour les productions qui sortent des sentiers battus? Qui ne voudrait pas d'une histoire de gangsters en pleine mafia dans les bas-fonds du Chicago de 1930? La réalisation est solide, les chapeaux de feutre et les bâtiments en brique rouge suffisent à donner leur cachet à l'univers et l'ajout d'éléments fantastiques (plusieurs personnages s'avèrent immortels) se fait sans heurt. Le scénario déroule plusieurs poncifs du genre, des règlements de compte truands aux braquages en bonne et due forme, mais le fait avec tellement de panache et de bonne humeur qu'on ne peut que se plaire d'assister aux affrontements entre ces personnages si hauts en couleur.
10. Quant aux épisodes 14 à 16, ils méritent un traitement particulier. Il faut savoir que la diffusion initiale de la série s'arrêtait à l'épisode 13, les trois derniers ayant été distribués en DVD directement pour terminer ce qui ne l'avait pas été. Effectivement, ils servent de fin et de vaste épilogue à la série; mais il faut bien comprendre que l'épisode le plus fort, le plus conclusif, était ce fameux épisode 13. Les trois derniers traitent de sous-histoires paroxystiquement inintéressantes, se permettent d'introduire un nouveau psychopathe dont chaque apparition à l'écran est profondément pénible et achèvent de ridiculiser le Rail tracer, un personnage mystérieux qui constitue probablement l'outrance la plus grossière au bon sens. Un tel développement, ça ne se fait pas, tout simplement. Je n'arrive pas à comprendre ce qu'il était censé faire, être, accomplir, dans les souhaits du réalisateur de Baccano, ou de l'auteur du light novel originel. Dans ses dernières minutes, enfin, l'anime a le toupet de nous expliquer qu'une bonne histoire ne finit pas. La fin de Baccano n'a en effet rien de très conclusif malgré ses quinze épilogues, puisque la véritable conclusion a été révélée et expliquée en détail au cours de l'anime, et qu'aucun twist ne vient relancer l'intérêt pour le scénario une fois que l'on comprend l'essentiel des tenants et des aboutissants. Excuser les trois derniers épisodes sous un prétexte aussi idiot m'est apparu comme un cache-misère des plus honteux et un vaste aveu de faiblesse.
5. C'est donc plein de confiance que j'ai commencé mon visionnage. Je me suis cependant rapidement trouvé occupé par un doute, par la question principale que n'importe qui doit se poser en regardant Baccano: cette narration si embrouillée, a-t-elle vraiment un intérêt? Ne vient-elle pas compliquer inutilement une histoire qui, à cela près, serait somme toute plutôt banale? À cette interrogation, Baccano apporte sa propre réponse, à travers l'épisode 1 que j'ai déjà évoqué. Le désir de raconter une histoire non sous la forme d'un récit délimité et réduit au point de vue d'un personnage abitrairement désigné comme principal, mais comme une fresque d'histoires pleines de causes, de raisons, de tragédies et de hasards. Une fresque dans laquelle tout le monde a deux faces, deux rôles, où chacun est tour à tour héros, ami, ennemi, adversaire, rival.
9. C'est donc dans une relative indifférence que j'ai continué et terminé Baccano. Tout n'est pas raté, entendons-nous bien: quelques personnages sont suffisamment développés pour inspirer un minimum de proximité (même si j'aurais aimé que moins de choses reposent sur Jacuzzi) et d'autres carburent suffisamment bien sur leur pur concept pour que leurs interventions soient réussies (je pense en particulier au duo Isaac / Miria, toujours truculent). Du reste, la série parvient miraculeusement à conserver une bonne partie de son panache initial, au moins jusqu'à l'épisode 13. Mais l'ensemble n'est tout simplement pas assez convaincant. Une fois que s'effondre le charme de cette narration tordue, il reste une histoire de gangsters convenable sur fond de surnaturel vaguement ennuyeux, racontée par des personnages deux fois trop nombreux et qui ne sont pour la moitié guère que des caricatures d'eux-mêmes.