L’enjeu est d’écrire une critique de ce film sans se référer constamment aux œuvres réalisées par Hayao Miyazaki, le père du réalisateur. L’exercice est d’autant plus difficile que de nombreux éléments dans ce premier film du fils évoquent les films du père. Le premier auquel on pense est Nausicaä (le style des costumes et des décors, l’ambiance générale, le chara-design de certains personnages), puis en voyant Allen sur sa monture on pense à Ashitaka chevauchant le cerf Yakul dans Princesse Mononoke, la grande ville partiellement en ruines et envahie par la végétation n’est pas sans rappeler la cité de Laputa dans le Château dans le Ciel, idem pour le symbole sur l’épée, proche cousin de l’emblème de Laputa, Allen affrontant des loups ressemble à Horus dans une situation semblable (Horus, Prince du Soleil). Les exemples sont nombreux.
Mais intéressons-nous à l’histoire des Contes de Terremer (souvent mieux connu sous son titre original : Gedo Senki, littéralement « les Chroniques du Combat de Ged », Ged étant l’autre nom du magicien Haitaka). La trame est assez simple et centrée sur le parcours initiatique d’Allen, elle est cependant plus complexe qu’elle n’y paraît, puisqu’elle a le mérite de développer également plusieurs autres personnages, tels Tehru, Haitaka ou Kumo qui évoluent tout au long du film. Des trouvailles originales, comme le double du héros, émaillent le film et rehaussent son intérêt.
La musique est très présente dans les Contes de Terremer, le nombre de fois où le thème principal est ainsi repris tout au long du film est encore plus frappant que lorsqu’on écoute l’OST seul. On notera aussi l’arrivée de la chanson phare du film en plein milieu de celui-ci. Chantée a capella par la seiyuu de Tehru, il interrompt brusquement le cours du récit pendant plusieurs minutes et offre une pause inattendue au spectateur.
Par contre, graphiquement, c’est l’étonnement, je dirais même la déception, voire la frustration. Les décors et même les personnages deviennent rapidement flous dès qu’ils ne sont pas au premier plan ; quant à l’animation, elle se limite trop fréquemment au minimum syndical : des visages restent figés pendant une éternité, la nature est comme morte, les plans fixes sont légions. On est au niveau de Nausicaä, peut-être même moins bon. Ce qui est compréhensible pour un film de 1984 l’est beaucoup moins pour une œuvre de 2006 (année de sortie du film au Japon) !
J’aborderai enfin une dernière ressemblance entre ce film et un de Hayao Miyazaki, Le Château Ambulant, en l’occurrence le fait d’être tiré d’un livre (destiné à un jeune public qui plus est). Personnellement, je déplore que pour ces deux films, les réalisateurs n’aient pas écrit d’histoires originales au lieu d’adapter un récit existant. En effet, les histoires adaptées sont souvent trop longues et trop complexes pour un film, ce qui implique des coupes et des simplifications. Cela s’en ressent au niveau du film : il traîne parfois en longueur le temps nécessaire pour amener un personnage ou un événement déterminant pour l’histoire, à d’autres moments, tout va trop vite, car le récit original est dense et il a fallu faire des choix en se focalisant sur les points clés, en conséquence on ressort de ce genre de film avec l’impression d’être passé à côté du plus intéressant et sans réellement se plonger dans l’histoire.
Je conclurai en soulignant que les Contes de Terremer est globalement un film moyen, plutôt destiné en premier à un public jeune (à part quelques scènes, comme celle où l’on voit un bras coupé ; qui a dit « comme dans Mononoke » ?) mais qui peut plaire à tous. Au passage, je ne peux pas m’empêcher de faire remarquer la différence flagrante de message entre l’affiche japonaise et la française : la preuve que les diffuseurs français se sentent obligés de se rapprocher d’un genre à l’américaine auquel ils sont plus habitués ?
Une œuvre différente des productions Ghibli précédentes et où Gorô Miyazaki a eu l’occasion de montrer son style personnel, et après tout, c’est peut-être le plus important. Espérons maintenant que le réalisateur nous proposera d’autres films plus aboutis, après s’être fait la main sur sa première réalisation.