Goro Taniguchi est insaisissable, tantôt auteur d'une série claustrophobique se jouant en huis-clos (Infinite Ryvius), tantôt réalisant une série d'action pure et dure (Scryed); il revient avec un Planetes qui est une série particulièrement originale et très attachante.
Le contexte se veut réaliste, nous suivons les aventures de l'équipe la plus miteuse de la galaxie, chargée de ramasser les débris flottant dans l'espace, suite au développement énorme des activités spatiales. Rien de très héroïque à priori, et l'originalité du dessin animé vient de là : tout débute normalement, nous découvrons la vie quotidienne de ces astronautes de troisième classe, et la première moitié de la série est une succession d'épisodes qui se regardent très bien tout seuls, sans trame principale. A cette occasion, les situations coquaces, absurdes, et parfois tristes, sont nombreuses, et c'est la grande force de la série, de parvenir à donner vie à une multitude de protagonistes parfois récurrents, parfois ne faisant que passer, sans jamais les caricaturer. C'est peut-être ce qui me pousserait à rapprocher Planètes de Cowboy Bebop, dans cette subtilité psychologique et ce refus des épanchements faciles, qui réjouit totalement le spectateur, parce qu'on lui laisse enfin la capacité de juger s'il a envie de trouver l'épisode plus triste que drôle, ou l'inverse.
On est particulièrement frappé de voir l'humanité des personnages : Tanabe est une fille des plus banales, pas particulièrement belle, pas spécialement douée ; le héros Hachimaki est très réussi, sorte d'alliage des caractères de Faye Valentine et de Spike Spiegel, c'est un individualiste forcené, un égoïste de première classe, capable d'être le plus grossier des muffles et le plus entêté des subordonnés. A vrai dire, le héros n'est pas particulièremebt plaisant, il fascine le spectateur parce qu'il se laisse dévorer par sa passion, au risque de sacrifier ses amis ou de mourir. Cette passion n'est pas non plus idéalisée, et lui-même passera par toutes les affres de l'arrivisme, sera traqué -au sens propre- par ses fantômes ; en fin de compte, on suit plus les trajectoires de personnages cherchant à composer avec leurs démons, que le mouvement simpliste de héros renonçant d'un seul coup à leurs faiblesses. Ceci est valable pour tous les personnages, et c'est ce qui rend Planetes vraiment exceptionnel.
Pourtant, la seconde moitié perd peut-être un peu en intensité, la mise en place d'une intrigue principale (terrorisme, projet inter-galactique, etc.) met à l'écart certains protagonistes (Fee notamment) qui garantissaient à Planètes de compter autrement parmi les animés majeurs de la décennie. L'abandon de certains seconds couteaux assèche un peu l'intrigue, tout en isolant Hachimaki, rendant l'ambiance nettement plus tendue : le spectateur se trouve lui-même pris en étau entre son intérêt pour l'équipe, et sa crainte de voir le héros "mal tourner" (c'est-à-dire, grosso modo, devenir un "sale con").
Planètes est l'un des rares dessins animés qui contente l'intelligence du spectateur, en lui apportant matière à penser, et en proposant une réflexion particulièrement enrichissante sur le cynisme et ses nombreuses nuances. C'est aussi, encore une fois, un dessin animé qui fleure bon l'humanisme, où les "défauts" des gens n'aboutissent pas au stéréotype et aux jugements de valeur : rien de plus drôle que de voir le monde à travers les yeux de Fee, fumeuse invétérée et profondément désabusée de voir à quel point la société est devenue hygiéniste et légaliste, ce qui donne souvent lieu à des situations vraiment très drôles, et dénuées de tout dogmatisme.
Un anime qui rend optimiste, qui fait réfléchir, et qui neutralise toute pensée trop systématique.