Espace, l’ultime frontière. C’est par ces mots que commençait la série Star Trek et cette expression pourrait également très bien s’appliquer à Planetes. Car, si cette série nous conte l’histoire d’astronautes dans l’espace, elle se situe dans un futur proche où l’homme ne s’est pas aventuré plus loin que la Lune, où les stations spatiales qu’il a construites n’orbitent qu’autour de la Terre et où les seuls extraterrestres qu’il peut espérer rencontrer sont les humains nés sur la Lune et condamnés à y rester. Une des forces de cette série est sa volonté de s’inscrire dans la continuité de la conquête spatiale telle qu’elle est pratiquée dans la seconde moitié du XXème siècle et en ce début du XXIème siècle. Dès le générique de début défilent des images de Spoutnik, Laïka, Ariane, Mir, ISS, en une progression historique et technologique, pour s’achever sur l’image de cosmonautes ramassant des débris, profession de Tanabe et ses collègues. Planetes frappe ainsi par son réalisme, c’est notamment une des très rares séries où l’espace redevient l’autre monde du silence, sans bruit de réacteur incongru ni laser déchirant un air inexistant.
Au-delà du simple récit des péripéties de la section des éboueurs de l’espace, ou plutôt à travers lui, la série s’intéresse au rapport de l’homme à l’espace. Bien loin de la vision qu’en avait Gene Roddenberry lorsqu’il créa Star Trek, l’univers est ici un milieu difficile, où l’homme peine à vivre normalement et où il a du mal à échapper aux contraintes de la vie terrienne : impératifs politiques et économiques, oxygène rare et vital, désespérés qui par leurs actes mettent en péril la vie dans la station, terroristes qui veulent mettre un terme à l’hégémonie de l’homme sur la nature représentée par la conquête de l’espace et en particulier mettre fin à la main mise de quelques grandes puissances sur cet espace infini et ouvert à tous. L’espace est même parfois lieu de mort : astronautes victimes d’une trop longue expositions aux radiations, cercueils mêlés aux débris qui gravitent autour de notre planète, etc. Mais pour autant, l’espoir, lui, n’est pas mort. L’espace fait encore rêver et même si le quotidien déçoit par rapport à une vision idéalisée de la vie dans le vide interstellaire, un regard sur la courbe de la Terre baignant dans son atmosphère ou sur les étoiles que l’on semble pouvoir toucher suffit au bonheur du cosmonaute.
Cependant, que l’on ne s’y trompe pas : si à l’époque de Tanabe, les travailleurs de l’espace se sont multipliés, ils ne sont encore qu’une minorité. Nombreux sont encore les terriens frappés par la guerre et la famine et qui doivent se contenter de lever la tête vers le ciel pour admirer les étoiles et imaginer y aller un jour. Ils éprouvent alors un mélange d’envie et de fierté envers ceux d’entre eux qui ont pu réaliser le rêve d’Icare. En effet, bien que depuis l’espace, on ne voie plus les frontières, chacun continue d’être attaché à son pays natal.
La problématique à la base de Planetes est déjà aujourd’hui d’actualité, même si nous sommes loin de pouvoir le résoudre comme dans l’anime. Les innombrables débris qui gravitent autour de nous sont un réel danger et risquent d’être un frein à notre expansion dans l’univers. A l’heure où les conséquences de l’industrialisation massive des derniers siècles et le réchauffement climatique sont au cœur de nombreux débats, la série parait dire « regardez, l’homme a à peine effleuré l’univers qu’il a déjà pollué son espace proche et à nouveau encombré son espace vital ».
Tout au long des épisodes, un message fort passe ainsi en douceur. L’anime a su en effet trouver un ton juste : tendre mais sans concession, sans niaiserie ni morale, elle fait souvent mouche. L’humour n’est pas absent, avec la déconfiture de Tanabe qui se voyait déjà toute pimpante dans un bel uniforme fraîchement coupé et qui se retrouve à faire le ménage en scaphandre avec une bande de bras cassés râleurs et démotivés. Avec elle, on retrouve la situation du bleu qui arrive sur son premier boulot, souvent assez différent de ce qu’il imaginait, puis qui se crée peu à peu des liens avec ses collègues pour finalement apprécier son travail et le défendre face aux railleries.
Planètes est une série adulte avec des héros adultes et pose intelligemment la question de l’avenir de la conquête spatiale dont nous connaissons aujourd’hui les prémices : à qui profite et profitera l’espace ? Aux grands pays industrialisés à la recherche de nouvelles sources d’énergie et qui ont seuls la stabilité politique ainsi que la santé financière pour une telle entreprise ? Aux pays en guerre, aux pays pauvres ? Mais qu’en retireront-ils ? Et, tout d’abord, pourquoi l’homme aspire-t-il à quitter la Terre pour découvrir l’univers ? Parce que la seule solution pour l’homme est de continuer à progresser quel qu’en soit le prix ? C’est ce que semble penser Tanabe qui déclare « pour survivre, nous devons avancer ». Au contraire certains pensent que l’humanité a des problèmes sur Terre bien plus graves que ceux qu’elle se crée parmi les étoiles et que l’homme est tout simplement arrivé dans l’espace trop tôt.
Sûrement, une des visions les plus réalistes de la conquête spatiale durant le siècle prochain qu’il m’ait été donnée de voir.
A la fin de la série, l’empreinte de Tanabe sur la surface de la lune fait un clin d’œil à l’image célèbre de l’empreinte de pas d’Amstrong en 1969. La boucle est bouclée.
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