Steins;Gate : Forfait illimité
Il n’est pas compliqué aujourd’hui de programmer un appareil pour qu’il effectue une certaine tâche dans un futur proche. L’exemple le plus courant est celui du réveil que l’on programme pour nous réveiller le matin, par exemple. Ou encore la télé que l’on programme pour enregistrer le prochain épisode de sa série favorite.
Mais que se passerait-t-il si on pouvait demander à nos appareils de la vie courante de fonctionner… vers le passé ? Et si, par exemple, on pouvait envoyer un SMS quelques heures ou quelques jours en arrière ? Pour nous prévenir de faire quelque chose… ou de ne pas le faire ?
C’est sur ce pitch / cette idée / cette accroche que Steins;Gate a vu le jour. Il s’agit au départ d’un Visual Novel (roman illustré interactif, pour les deux nouveaux du fond) sorti sur PC et Xbox 360. Les studios à l’origine du jeu sont 5pb. Et Nitroplus, qui n’en sont ni l’un ni l’autre à leur coup d’essai. D’ailleurs, la collaboration entre ces deux studios avait déjà donné Chaos;Head, une série que je ne connais pas mais que mon entourage ne m’a pas vraiment recommandée. Il n’y a d’ailleurs pas de rapport entre les deux séries, en dépit de ce que raconte le synopsis de la fiche.
Steins;Gate se déroule à Akihabara, Tôkyô - la location exacte est précisée dans le premier épisode, mais on s’en passera ici. C’est là que vit et travaille Rintarô Okabe, étudiant à la fac et chef d’un « laboratoire » où lui et ses amis travaillent à concevoir la prochaine révolution scientifique. Accidentellement, il parvient à mettre au point une machine permettant d’envoyer de courts messages électroniques vers le passé. Le jeune homme et son équipe mesurent à peine les possibilités offertes par leur découverte, qu’ils vont devoir se confronter à divers ennemis dont le plus implacable est le cours du temps lui-même…
La série se veut un mélange entre science-fiction, suspense et mystère. Le côté science-fiction est fourni par le principe de voyage temporel, qui sera plus qu’exploité. En effet, le SMS envoyé vers le passé (D-Mail, dans le jargon) n’est qu’une accroche qui va permettre d’introduire d’autres utilisations de la manipulation temporelle, comme la possibilité d’envoyer sa mémoire vers un certain point dans le passé (Time Leap, dans le jargon). Le tout avant bien sûr le voyage physique dans le temps, élément obligatoire de tous les récits de voyages temporels.
De plus, les concepts de timeline, effets papillons, paradoxes seront de la partie pour complexifier un peu plus l’affaire et transformer le scénario de Steins;Gate en véritable toile d’araignée, comme le veut le genre.
Toutefois, le cachet « hard SF » que veut se donner la série s’avère assez bancal, puisque peu d’explications sont réellement données sur les bases rationnelles de l’univers de Steins;Gate. Ce que je veux dire, c’est que l’histoire de la série fonctionne très bien dans l’univers inventé pour l’occasion, mais ne trouve selon moi pas vraiment de correspondance avec une quelconque vérité scientifique. De la même manière, il est véritablement difficile de constamment garder le fil de la narration, celle-ci jouant avec la notion d’espace-temps de manière intensive. Il sera peut-être parfois nécessaire de revisionner un passage ou un dialogue pour bien saisir le cours des évènements, la mise en scène n’étant pas toujours très claire à certains moments (ceux qui ont survécu au premier épisode comprendront). Toutefois, si la série exploite efficacement son concept - au point qu’elle deviendra certainement une référence de ce genre-là – on notera çà et là quelques « raccourcis » (euphémisme pour ne pas dire « incohérences ») qui tombent au moment le plus opportun pour relancer l’intrigue et les personnages. Le derniers tiers de la série est à mon sens assez emblématique de cela, avec des nouveaux éléments qui prennent quelques libertés avec ce que l’on nous avait promis au départ. Cependant cela n’a rien de particulièrement gênant si on considère comme moi que la série ne se base pas entièrement sur son récit de SF, mais fait également la part belle aux personnages.
Comme dit plus haut Steins;Gate est une adaptation d’un VN et cette série en reprend une des histoires. On connaît la réputation des VN pour ce qui est de nous servir des personnages stéréotypés et vulgaires. Autant vous le dire tout de suite, ce n’est pas ce que l’on trouve dans Steins;Gate… du moins pas ouvertement.
Pas besoin d’être doué en maths pour s’apercevoir qu’il y a plus de filles que de garçons dans Steins;Gate. De plus, si vous regardez l’opening, l’ending ou encore la jaquette du jeu original, vous constaterez que Makise Kurisu, le second rôle féminin, a bien plus de visibilité que le reste des personnages (ce genre de détail est très révélateur, on n’y prête que trop peu d’attention). Et si vous demandez aux gens qui aiment cette série la raison de leur intérêt, vous tomberez sans doute sur des louanges à la gloire de cette chère « Christina ». Enfin, la construction même de la série, à partir d’un certain moment, rappelle les routes d’un VN avec les différentes demoiselles à conquérir (Mayuri, Suzuha, Ruka, Feyris, Moeka, Kurisu).
Je donne l’air ici d’un spectateur soupçonneux et aigri, mais je ne reproche absolument pas à Steins;Gate le côté harem qui en transparait. D’une part, la série ne contient pas de vulgarité mais surtout, et c’est le point principal de cet argumentaire, l’accent n’est pas mis sur les filles mais bien sur le protagoniste.
Personnellement, c’est le personnage de Rintarô Okabe qui m’a fait accrocher à la série. Paranoïaque, mégalomane, maniaque et arrogant, il est superbement interprété par le comédien Mamoru Miyano (rôle principal de Death Note, Ôran High School, Vampire Night, Gundam 00 etc.) et lui seul tient à bout de bras l’univers et l’intrigue de la série. Tout au long des épisodes il ne cesse d’inventer des mèmes et des catchphrases, que ce soit son rire caractéristique, ses malheureuses tentatives d’anglais (« I am a mad scientist, sonuvabitch »), ou encore ses élucubrations en une langue inconnue. Le scénario le fait passer du rire aux larmes très rapidement, mais sa personnalité insaisissable le rend polyvalent et il conserve son intérêt tout au long de la série. Croyez-moi : s’il y a bien une chose que j’ai retenu à force de regarder et de critiquer des animes, c’est qu’un bon personnage principal est souvent la clé de la réussite. Steins;Gate illustre très bien ce propos en cassant toute la routine médiocre à laquelle les adaptations de VN nous avaient habitué.
Les autres personnages ne sont pas en reste et chacun à son petit « truc » qui le détermine. Mayuri « Kana Hanazawa » Shiina a son petit « Tu~tu~ruuu » ; Daru a ses blagues tendancieuses ; Kurisu a son caractère tsundere, etc. D’ailleurs, l’anime ne manque pas de faire un appel du pied aux otakus avec tout un tas de références diverses et variées à la culture geek, que les amateurs apprécieront.
Je ne vous l’ai pas encore dit mais l’autre point qui a attiré les foules auprès de Steins;Gate est son chara-design. Il n’a rien de spécial mais le nom de celui qui l’a réalisé est plus que connu puisqu’il s’agit de Huke, créateur de la franchise Black Rock Shooter. Il faut admettre que le monsieur a du talent, les personnages sont plutôt bien faits et son tous très stylés, notamment les filles, on s’en serait douté. En dehors de cela le studio White Fox ne m’a pas éclaté les yeux avec une quelconque prouesse technique ; je dirais même que j’ai trouvé l’animation assez raide. La mise en scène hachée parvient à cacher la misère heureusement. Les couleurs sont généralement ternes, ce qui convient tout à fait à la fois au caractère urbain de l’univers, mais aussi à l’intrigue complexe et sombre, pleine de suspense. Musicalement c’est le néant, hormis peut-être l’opening sympa sans plus.
Pour conclure passons en revue les atouts de Steins;Gate listés jusque-là : un concept intéressant et bien exploité, un intrigue fournie qui a le temps de s’étaler, un protagoniste excellent, de bons perso secondaires avec une identité pour chacun d’eux, un chara-design réussi… ça fait pas mal, non ? Les défauts ne pèsent pas lourd dans la balance. Steins;Gate est donc un anime que je conseille, et va sans difficulté rejoindre les deux-trois animes un tant soit peu intéressants de cette année (si si, il y en a !). On se retrouve bientôt pour le film Steins;Gate qui vient d’être annoncé : j’ai reçu un mail du futur et il paraît que ça va être bien. El Psy Congroo. 7,5/10
Les plus
- Un bon petit scénario de SF
- Personnages savoureux
- Ambiance très intéressante
- Okabe Rintarô
Les moins
- Ça sent quand même le VN
- Un peu brouillon parfois