Le terme d’animé cyberpunk a beau faire rejaillir quelques-uns des plus grands titres de l’industrie, une fois ceux-ci cités on se rend vite compte que le genre est une denrée rare et peu à la mode ces dernières années : Psycho-Pass, cette aventure dans un monde dystopique où le crime se retrouve sous un contrôle absolu, est-il le renouveau espéré ?
Le projet se voulait explicitement être une réincarnation: NoitaminA et le studio IG, qui ont produit les séries Ghost in the Shell, ont désiré recréer un succès commercial et critique par un retour aux vieilles recettes. Par ailleurs, on ne s’étonnera pas si ces pontes, notamment inspirés par le blockbuster d’Inception, ont annoncé peu après un nouveau prequel pour Ghost in the Shell, Ghost in the Shell Arise.
Pour rendre le cocktail plus savoureux, les studios ont ajouter à l’équipe Amano Akira pour le chara-design, et le populaire Urobuchi Gen au commande du scénario. Bien que prolifique, on ne peut d’ailleurs pas dire que celui-ci soit un bleu en la matière. Fort de deux Visual Novel sur le cyberpunk, The Cyber Slayer et Jouka no Monshou, une fanfiction sur Equilibrium, l’auteur était la cerise sur le gâteau d’une affiche prometteuse.
L’annonce d’Urobuchi au scénario est synonyme d’une histoire mature et sombre. Contrairement à ce qui se dit parfois, ce n’est pas l’innovation qui caractérise le bonhomme mais plutôt sa manière de jouer avec les règles du genre qu’il rencontre. Malheureusement c’est là que Psycho-Pass nous montre une faiblesse majeure. Urobuchi nous offre une histoire divertissante mais peu innovante. Tout amateur de cyberpunk retrouvera dans la série un nombre incalculable de renvoi aux classiques du genre littéraire et cinématographique, et si ceux-ci sont utilisés avec habilité, on aura du mal à voir dans ce mish-mash autre chose qu’une oeuvre de « suiveur » plutôt que de « créateur », ce qui réduit d’un cran l’intérêt tant ce trait ressort de l’écran, à un tel point que Psycho-Pass n’hésite pas à faire discuter ses personnages sur l’oeuvre de Philip K. Dicks (épisode 15).
Heureusement Psycho-Pass se rattrape par des mises en scène magistrales (on retiendra l’épisode 11 et 16 mais pas seulement), de bonnes scènes d’actions, ainsi que des dialogues intelligents, lorsqu’ils ne sont pas encombrés des « petites citations du jour », procédé usé à l’excès dans cette série.
Comme on pouvait s'y attendre, le scénario en lui-même reste du « Urobutcher » mais l’on regrettera quand même la noirceur trop prononcée du système Sybil, qui empêche de véritables réflexions tant il manque de nuances. Certes le thème de la liberté et surtout de la responsabilité citoyenne n’est pas sans résonance avec nos sociétés, mais honnêtement Psycho-Pass ne sera pas regardé pour sa philosophie et le concept même du psycho-pass s'avère bien trop vague pour nourrir les réflexions.
D’autres problèmes plus ponctuels viennent entacher l’anime : un chara-design difficile à reproduire, Akane a l’air d’être une plaie à dessiner visiblement, un épisode 18 graphiquement raté, mais corrigé lors des nouvelles diffusions, et quelques faiblesses de scénario, provoqués par la bêtise du système Sybil et son manque de subtilité.
Les qualités de la série surpassent largement ses défauts mais il y a un dernier point sur lequel s’appesantir. La création de personnages marquants est un défaut récurrent chez Urobuchi, et Psycho-Pass accuse du même problème. Les différents membres de l’équipe restent dans leur rôle pré-défini tout le long de la série et peu d’épisodes nous éclairent davantage sur leur personnalité. Ironiquement, le seul épisode clairement dédié à un personnage est une coquille vide sans répercussions sur la suite : désolé Yayoi mais un flashback sur la création du système Sybil aurait été largement plus apprécié.
Le destin n’aura pas été très clément envers les membres secondaires du casting mais il devient une véritable malédiction lorsque le même sort s’applique aux protagonistes. Kougami est le héros standard aux motifs peu engageants dont le seul but est de faire avancer le scénario. Makishima s'en sort mieux grâce à son charisme magnétique mais il est peut-être un peu trop central à mon goût en fin de série. Akane est à mes yeux plus réussie grâce à un développement plus conséquent et une utilisation très juste de ses faiblesses ainsi que de son humanité. Son seul vrai bémol est qu’elle ne brille vraiment que lorsqu’elle n’est plus sous l’ombre du génie de Kougami, et encore.
Finalement, Psycho-Pass sans être une oeuvre majeure reste un cyberpunk réussi et ravira tout amateur de série "dark" glorifié. A voir avec un trench-coat et des lunettes de soleil pour une vision augmentée et ainsi encore mieux en profiter !
Et sinon comment ça marche ce foutu habillage ?
Director's cut/version longue
La rediffusion de Psycho-Pass en version « director’s cut » est terminée et la série survit sans problèmes à un revisionnage, j'ai même mieux aimé que la première fois. Pour ma part, ce n’est toujours pas un anime exceptionnel mais c'est définitivement un cyberpunk solide, et vu la rareté du genre ça s'apprécie.
Les ajouts de cette version restent très mineurs et ne justifient pas un re-visionnage. A quelques exceptions près, ces ajouts consistent en des séquences de plus ou moins une minute trente qui s’insèrent en début d’épisode. Elles se concentrent généralement sur un personnage en particulier et aide à mieux l’établir dans l’histoire, même si ça reste à la façon Urobuchi : distant et « théâtral ». Beaucoup de ces nouvelles séquences sont consacrées à Makishima et celles sur Kougami sont notamment les bienvenues car elles permettent de mieux comprendre son obsession envers celui-là.
En somme, une trentaine de minutes qui ne se ressentent pas vraiment mais qui offrent néanmoins un bonus agréable à l’ensemble. Je conseille donc cette version à ceux qui n’auraient pas encore regardé Psycho-Pass, ou ceux qui comptaient de toute façon regarder à nouveau la série.
Mon score n'est pas changé mais l’anime gagne tout de même quelques places dans mon estime, et mon classement, pour ce que ça vaut.