Quand on ne sait pas quoi dire, il vaut mieux se taire. Malgré ce que je laisse croire aux gens, qui me connaît vraiment bien sait en réalité que j'ai la langue pendue. Il est naturel chez moi de parler de quelque chose qui m'a particulièrement marqué. En l'occurence, il est question de Juuni Kokuki, aussi appelé Les 12 Royaumes. Cette adaptation du studio Pierrot, dont le support d'origine est le manga éponyme écrit par Ono Fuyumi, m'a été vendu par de bons camarades au détour d'une conversation sur Kingdom.
Une fois l'anime terminé, j'ai eu bien du mal à trouver les mots ce qui explique pourquoi j'ai renoncé un moment de rédiger une critique. Au fil de quelques conversations, je me suis rendu compte du principal malaise qui m'avait envahi. Juuni Kokuki n'est pas un divertissement commun. Quand je dis commun, c'est pour rappeler que pour moi, j'attends principalement de l'animation japonaise qu'elle me distrait, qu'elle m'amuse, qu'elle me fasse passer un moment agréable sans prise de tête. Cela n'exclue pas le fait qu'un anime m'amène à réfléchir en profondeur sur des sujets très sérieux mais il inclut toujours un esprit de détente caractérisé par une part de comédie, d'action, d'appel à l'aventure parmi tant d'exemples. Au contraire, cet anime m'a fait simplement réfléchir sans que je puisse en déguster l'épice. Je ne vais pas le cacher, c'est tout de même un coup de cœur. Si d'ailleurs je m'embête à vouloir en parler, c'est parce qu'à mon humble avis il y a de la qualité couplée à de l'originalité.
Afin de cadrer le contexte, il est très utile de savoir que l'histoire de Juuni Kokuki traite du parcours de Youko, une jeune japonaise emmenée de force dans un monde de fantaisie, lequel est gouverné par 12 rois de droit divin. Bien entendu, son destin est celui d'être reine de l'un des 12 royaumes. Toutefois, plusieurs péripéties l'empêchent d'accéder au pouvoir puis, même une fois couronnée, elle est confronté à son inexpérience et à son immaturité pour gouverner. Cet univers regorge plusieurs références à la mythologie chinoise et traite avec une approche philosophique des problématiques liées à la politique et à la recherche de soi. Inutile d'en dire plus long pour comprendre que l'histoire peut se révéler très intéressante.
Là où le bât blesse c'est qu'il m'était fort possible de ne pas arriver à cette conclusion en raison d'un défaut qui a tendance à m'impatienter. L'anime souffre d'un rythme lent. Le résultat est que j'ai mis presque un mois pour le consommer entièrement ce qui est contraire à mes habitudes alimentaires. Si j'étais encore le bleu d'il y a 4 ans, je dirais à tout péter qu'au bout de 3 épisodes je me serais fait la malle, sans oublier que la qualité des images pour mes yeux de taupe est à plaindre. Hormis l'aspect graphique qui bénéficie d'une amélioration bienvenue, aucun remède n'est apporté à ce mal qui ronge l'anime du premier au dernier épisode. Cette lenteur ne s'explique pas par un gain de minutes (ce en quoi Toei est le maître incontesté) mais par à la fois la complexité si riche de son univers et la présence persistante de dialogues explicatifs.
Il faut comprendre que l'univers des 12 royaumes possède tellement de potentiel que l'auteur s'est finalement contenté d'effleurer la surface par une présentation assez générale des règles qui régissent le monde et des enjeux qui déterminent son avenir ce qui est déjà énorme. Tout cela tourne autour de Youko qui doit apprendre sur le tas parce qu'il repose sur ses épaules le bien être de tout un royaume. Pour lui apporter prospérité, il faut savoir gouverner avec sagesse car la plus grande peur n'est pas le mécontentement du peuple mais la sanction divine face à des manquements d'ordre moral. Puisqu'il ne peut y avoir de bon gouvernement sans respect de la morale, Youko a eu la chance de profiter de l'enseignement avisé de quelques vieux rabougris de ce monde. À cela s'ajoutent de nombreuses histoires opportunes qui permettent de comprendre le contexte des évènements. En somme, bien que piquant ma curiosité, le tout devient rapidement lourd, laissant peu de place au dynamisme. Les dialogues prennent souvent la forme de narration qui, trop présente, gâche les possibilités d'un scénario qui aurait pu se révéler un peu plus palpitant au vu des évènements de l'histoire.
Il ne faut donc pas s'attendre à de l'adrénaline avec un souffle d'épic en évoquant que Juuni Kokuki traite de survie en milieu hostile, de conflits politiques ou encore de résistance à l'oppression. Ce n'est justement pas le Kingdom qu'on a bien voulu me faire croire puisque j'ai pu voir et entendre qu'on le compare souvent. Ici l'action se fait rare et n'est pas vraiment appréciable en soi, ce sont les raisons et les conséquences de tels actes qui sont intéressants. Il s'agirait d'un récit qui conte une histoire pleine de détails dans le but d'intriguer celui qui écoute. C'est un peu comme si je racontais quelque chose et qu'on me demandait spontanément à la fin de chacune de mes pauses : "Et après?"
Ce qui fait donc la force de cette série est que l'histoire bénéficie d'un fond riche, rien de plus normal s'il m'a fait réfléchir. Bien que je sois un piètre philosophe qui admirait l'œil baladeur les dessins de mon voisin au lycée, l'approche philosophique de bien des sujets de cet anime a quelque chose de rafraîchissant. À première vue, elle laisse planer des interrogations récurrentes auxquelles tout le monde a déjà réfléchi au cours de sa vie. Mais en poussant plus loin, elle permet de les aborder sous un angle déconcertant, pour ne pas dire dérangeant, dans lequel les hommes ne sont pas du tout libres de leurs choix. En vérité, ils sont prisonniers de ce monde, enchaînés par leur destin et par un carcan moral, dans lequel je perçois le Créateur comme étant nul autre que le véritable tyran de toute cette machinerie infernale qu'on appelle "le monde".
En outre, je considère que l'histoire maîtrise particulièrement bien les relations entre les personnages et amène à se poser de réelles interrogations sur notre manière d'interagir dans la vie réelle tant aujourd'hui qu'il a été au cours de notre Histoire. On ne se centre pas exclusivement sur Youko mais à vrai dire sur 3 personnages qui ont globalement le même défaut. Leur personnalité a eu sérieusement le don de m'agacer mais il ne faut pas nier pour autant que les relations qu'elles entretiennent avec les autres sont bien maîtrisées sur le plan de l'égocentrisme. Il est facile pour le spectateur de faire preuve de compassion, ou du moins de compréhension, à leur égard car nous apprenons les raisons qui ont façonné leur manière d'être, de penser et d'agir or ce n'est clairement pas le cas des personnages qui les entourent. Réciproquement, les protagonistes se révèlent incapables de comprendre les autres. De manière plus symbolique, c'est une thématique très abordée à travers les kaikyaku, soit les japonais piégés dans ce monde, qui sont incapables par les règles naturelles et divines de parler et de comprendre la langue de ses habitants et réciproquement. Il y a donc deux traitements parallèles de l'égocentrisme que je trouve très louable et qui s'avèrent tout à fait comparables.
Un point en particulier me divise entre admiration et frustration : l'histoire devient hyper intéressante au moment où elle se termine. D'une part, le parcours de Youko débouche sur une excellente fin ouverte. Elle offre la possibilité à chacun de laisser libre cours à son imagination pour écrire la suite. Si l'histoire aurait continué sur une autre saison, le coup aurait été réussi car j'aurais trépigné d'impatience pour regarder la suite. D'autre part, je suis assez frustré de voir qu'enfin le développement de l'intrigue gagnait un intérêt que j'osais espérer bien plus tôt. Afin de ne gâcher à personne le plaisir que j'ai éprouvé au cours des deux derniers épisodes, je m'abstiendrais de dire, ne serais-ce qu'en substance, de quoi il s'agit.
La fin aboutit par ailleurs à la construction d'une protagoniste qui manquait à mon sens cruellement de charisme car bien qu'elle ait toutes les qualités du héros, cela ne suffisait pas pour qu'on s'y attache. Plusieurs personnages secondaires me suscitaient plus d'intérêt ce qui est dangereux pour suivre la série. En comparaison, je reproche notamment à Arslan Senki de m'avoir fait apprécier tous les personnages sauf Arslan. Toutefois, Arslan Senki m'accroche bien plus car les dits "personnages secondaires" sont finalement plutôt des personnages principaux ce qu'on ne retrouve pas dans Juuni Kokuki.
Pour conclure, je tiens à préciser à tous ceux qui ne connaissent pas Juuni Kokuki que c'est un avis entaché d'une assez forte subjectivité car il se base beaucoup sur un ressenti. Il n'empêche pas que j'ai exposé de véritables qualités sur la série. Quant à l'univers, il s'avère très immersif et passionnant et le rythme que je lui reproche peut très bien ne pas gêner. C'est une bonne découverte qui m'a fait repenser ce que je définis comme divertissant. Je ne regrette pas et je garde un très bon souvenir de cette expérience, c'est pourquoi je resterais comme à mon habitude généreux en notation.