Il y a des séries comme ça qui vous hypnotisent et qui ne vous lâchent plus… Pour moi, c’est incontestablement Serial Experiments Lain la série qui m’a le plus marqué : je viens de la visionner une troisième fois, et je me décide enfin à en écrire une critique.
Un des atouts majeurs de cette série aux multiples facettes est bien entendu le personnage de Lain. Son visage de poupée aux yeux grand ouverts semble toujours s’interroger sur le monde qui l’entoure, sur sa propre existence, et tout en elle montre qu’elle est totalement en-dehors de la réalité (peau très pale, étrange coupe de cheveux avec sa tresse, pyjama « Ourson »…) : Yoshitoshi Abe a réussi à créer ici un personnage au style unique et en parfaite adéquation avec l’univers tortueux du Wired. Quant à sa personnalité, il est troublant de remarquer à quel point elle évolue au cours de la série, et que son Navi évolue en même temps qu’elle (comme lui dit son père au début de la série, d’ailleurs…), en particulier à partir du moment où elle installe le mythique processeur Psyché.
Un autre des points importants est qu’ici l’univers comme le scénario est basé sur l’informatique. Jamais on ne verra dans cette série quelqu’un qui ne possède pas de Navi ou qui ne s’est jamais connecté au Wired. Quant au vocabulaire utilisé, il peut en laisser plus d’un perplexe : pour peu que l’on ne s’y connaisse pas du tout en informatique, on est vite perdu. De plus, très souvent informatique rime avec métaphysique, alors….
Métaphysique, oui, car on aborde ici la question de l’existence de Dieu, et même de l’existence tout court : on retrouve ainsi les théories de Descartes (Cogito ergo sum : le doute prouve notre existence), ou encore de Kant (Ce qui existe c’est ce que l’on voit), mais aussi de nombreuse théories modernes sur l’Inconscient Collectif, qui font partie des clés pour saisir toute l’essence de la série et la profondeur du scénario. Alambiqué au possible, il nous emmène aux frontières du Monde Réel et du Wired, monde virtuel labyrinthique et cauchemardesque qui se substitue de plus en plus au Monde Réel au fur et à mesure de l’évolution de Lain, qui va petit à petit prendre conscience du but de son existence et de son véritable « moi ».
La réfléxion ici porte aussi sur l’influence d’Internet sur les comportements humains, en particulier auprès des adolescents (jeux en ligne, drogues, rumeurs, sectes et suicides), thématique toujours très actuelle, peut être même plus qu’à l’époque de la série.
Un des aspects qui m’a particulièrement marqué est le soin apporté à l’ambiance sonore de la série. Des bruits de transformateurs électriques ponctuent la série à tout moment (zooms fréquents sur les innombrables câbles de transmission), de même que des bruits de brouillage des écrans ou encore des voix humaines « informatisées » ou synthétiques contribuent à créer une atmosphère véritablement oppressante, renforçant le sentiment de malaise qui se dégage constamment autour de Lain.
L’ambiance visuelle est également très travaillée. On assiste ainsi à de longues séquences « cyber-psychédéliques » à travers l’infinie complexité du Wired, où défilent textes étranges et tâches de couleurs informes, mais on découvre aussi des ombres très bizarres qui se dessinent sur la silhouette de Lain, ou encore des effets de flou ou « d’écran qui saute » (je sais pas comment je peux mieux l’expliquer….), qui nous immergent totalement dans un monde irréel à la frontière du virtuel pourtant proche du nôtre, nous troublant ainsi encore plus…
L’introduction de chaque épisode est extrêmement travaillée, mais aussi un des éléments les moins compréhensibles de la série… Je pense notamment au fameux « Present day, present time » (brrr, il me donne des frissons…) au début des épisodes, mais aussi à la séquence qui revient constamment (avec le feu, les piétons, les voitures, les lumières…), toujours avec un commentaire différent, en rapport avec le titre des Layers. Nom étrange pour des épisodes, d’ailleurs : au fur et à mesure des Layers, l’intrigue gagne en complexité et en profondeur. Serait-ce une métaphore pour énoncer différentes couches formant finalement un « tout » : la Réalité ? De plus, chaque titre est vraiment intrigant, et évoque un aspect particulier parmi tous les thèmes traités au cours des épisodes….
Serial Experiments Lain est une série qui ne peut pas laisser de marbre. Soit on est totalement rebuté par les phénomènes inexpliqués, par l’ambiance dérangeante et par le manque d’action dans les épisodes, soit on a envie d’en savoir plus sur le Wired et on se laisse totalement captivé par la profondeur de l’univers et par le regard obsédant de Lain… Seul petit bémol : il est dommage que le soin apporté à l’ambiance de la série ne se reflète pas dans l’animation (problèmes de proportion quand les personnages sont de plain-pied…). Mais si l’on est hypnotisé par l’ambiance générale et emballé par le concept, on fait vite l’impasse sur ce petit défaut : la perfection n’est pas de ce monde, dit-on…. Mais cela est-il aussi le cas dans le Wired ? "And you don't seem to understaaaand..."