Dans la lignée de Monster, 20th Century Boys déploie un scénario très complexe étalé sur presque 50 ans. Tout débute à la fin des années 60. On y découvre une bande de gosses qui se réfugient régulièrement dans leur base secrète, une cabane en herbe construite au milieu d’un champ. Le leader du groupe, Kenji Endô, élabore un cahier de prédiction mettant en scène un robot géant sensé détruire Tôkyô à l’aube du 21e siècle. A la fin de l’année 2000, tout se passe exactement comme le cahier l’avait prédit : un monstre de métal marche sur la capitale en diffusant un virus mortel. Le mystérieux gourou d’une secte en pleine expansion – Ami - parvient à contenir l’épidémie et endosse le rôle de sauveur de l’humanité. Kenji est alors désigné comme le responsable de la catastrophe, devenant ainsi le plus grand terroriste de l’histoire. Mais quelle est donc l'identité d'Ami, ce manipulateur masqué qui utilise le symbole de la bande à Kenji et qui s’est débrouillé pour que les prédictions de fameux cahier se réalisent ?
Difficile de détailler davantage l’histoire sans spoiler, mais deux « présents de narration » se dégagent : 1997-2000 et 2014-2018. Pour comprendre les évènements qui se déroulent pendant ces périodes, Urasawa utilise très fréquemment les flashbacks, en particulier ceux qui éclairent l’enfance des héros, aux alentours des années 70. Là où l’auteur frappe très fort, c’est qu’il réussi à ne pas pommer le lecteur en dépit d’une chronologie bouleversée et d’un très grand nombre de personnages. Ces derniers sont vraiment une des plus grandes réussites du manga. On n’a aucun mal à les différencier, autant graphiquement que psychologiquement. Un boulot énorme a notamment été réalisé sur la la personnalité des principaux protagonistes : Kenji bien sûr, mais aussi Otcho, Yoshitsune, Kana ou encore Kiriko. Chose plus rare, la plupart des persos secondaires sont vraiment travaillés et crédibles. Chacun a son rôle à jouer dans l’avancement du scénario, aussi modeste soit-il. En bonus, les amateurs apprécieront sans doute les multiples références au rock et aux mangas des années 60.
Le dessin est très bon même si le chara-design manque parfois de finesse par rapport aux environnements très détaillés. La relative simplicité des visages n’empêche nullement Urasawa de les rendre très expressifs et facilement reconnaissables. L’émotion passe très bien et il m’est arrivé à plusieurs moments d’avoir les larmes aux yeux (je dois sûrement être un grand sensible, au fond). En dépit de quelques belles pointes d’humour, 20th Century Boys reste avant tout un drame poignant. Quant à l’aspect anticipation, il fait vraiment froid dans le dos : un mélange glaçant de manipulation de masse, de culte de la personnalité et de restriction drastique des libertés. A priori, l’histoire du robot géant pourrait sembler ridicule, mais la façon dont tout cela est traité ne prête pas à sourire. Le seul reproche que je ferai concerne la fin, un peu trop précipitée. Ce n’est pas tant le fait qu’il subsiste des zones sur certains éléments clés du scénario, mais plutôt l’impression que l’auteur n’a pas pris le temps de conclure convenablement son oeuvre. Espérons que la suite 21st Century Boys corrigera ce petit souci.
20th Century Boys est un récit d’anticipation brillamment orchestré, un véritable chef-d’œuvre de suspense doté d’un scénario particulièrement prenant et original, sans oublier sa brochette de personnages inoubliables. A lire de toute urgence !