Reprenant le scénario le plus utilisé des films, livres et animes de science-fiction, c'est-à-dire la destruction prochaine de l’humanité toute entière, Naoki Urasawa a réussi avec ce manga un incroyable tour de force passionnant, et dans le même temps, innovant. Ce n’est évidemment pas un hasard si 20th CB a reçu des récompenses venant du domaine de la bande-dessinée et même du monde de la littérature en son sens le plus large.
Alors même si l’histoire de base s’est déjà vue traiter des dizaines et des dizaines de fois, elle ne se cantonne pas à « une simple histoire de base » dont on pourrait encore se lasser. Ce qui rend cette histoire captivante, c’est l’implication du passé de tous les personnages, et ses conséquences envers le présent du monde entier. C’est cette permutation constante, entre le monde adulte actuel et le monde dit révolu de leur jeunesse, qui nous permet de comprendre l’enfance de Kenji, comprendre aussi l’enfance de ses amis de l’époque, et les causes des ennuis présents. Pas un seul temps mort en ces 22 tomes ne vient faire retomber les mystères emmagasinés au fur et à mesure des événements.
En outre, pour qu’une histoire soit palpitante – et là, je suis très subjective – il faut qu’elle soit réaliste dans la mesure du possible. J’adore la science-fiction quand, comme son nom l’indique à moitié, elle peut être explicable d’un point de vue scientifique. 20th CB est un manga SF oui, mais qui reste néanmoins réaliste, et par extension, crédible.
Crédible aussi sur le contexte des événements : contexte économique comme psychologique pour ne citer qu’eux en exemple. L’auteur nous montre ici que oui, une nouvelle guerre mondiale pourrait avoir lieu, même s’il n’y a presque personne pour contrer l’ennemi. On assiste ici à une guerre plus psychologique qu’autre chose : la peur peut unir les communautés comme les éclater, et il n’y a rien de pire que de n’avoir personne avec qui partager sa peur, personne sur qui s’appuyer pour pouvoir se sentir plus fort. La peur reste la plus grande faille de l’humanité, mais aussi sa plus grande force.
Le suspense qui accompagne nos aventuriers des temps modernes reste toujours palpable, reste toujours à portée de la main. Qui est Ami ? Son passé ? Son remplaçant ? Suspense très intéressant car il n’est pas forcément aisé à découvrir. Mission quasiment impossible quand on tente de se fier à l’une ou l’autre des multiples pistes données par l’auteur. En plus de nous embrouiller sur les événements passés et sur la psychologie des personnages, Urasawa nous livre sur un plateau de multiples points de vue sur des mêmes événements ; difficile alors de démêler le vrai du faux, de ce qu’on croit et souhaite voir. L’évolution des personnages principaux est là, et est inévitable. Même s’il y en a quand même une bonne tripotée et que l’auteur tache de nous en expliquer le plus possible, celle de deux personnes restent toutefois les plus intéressantes : Kanna et Ami. Partant d’un même dénominateur commun qu’est Kenji, ils vont tous deux forger ce qui deviendra leur vraie personnalité et leurs vrais buts, avec quelques chemins divergents, je le concède.
Pour parler de l’attrait artistique du manga (qui m’avait déjà conquise avec Monster, autant sur le fond que la forme), tout est ici parfaitement transmis au lecteur. Les expressions des personnages et leurs sentiments sont délicatement dessinés : ils sont humains, ce manga transpire l’humanité du début à la fin, et c’est aussi cela qui en fait tout son charme.
Pour conclure, je dois dire que même si je ne pense que du bien de cette série, je garde néanmoins une désagréable impression d‘inachevé. La fin n’a pas répondu à toutes mes questions et en a plutôt engendré de nouvelles. Mais attention, ceci est pour ainsi dire ma seule critique négative à son égard. Critique négative qui ne me pousse d’ailleurs ni plus ni moins qu’à lire la suite, à savoir les 21st CB.