Critique de l'anime Ergo Proxy

» par watanuki le
27 Octobre 2006
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Le studio Manglobe avait fort à faire en programmant l'après Samurai Champloo. Pour mettre toutes les chances de son côté, il s'est muni d'un budget pharaonique, et d'un réalisateur côté, ayant sous le bras un scénario qui lui tient à coeur.

Forcément, d'un point de vue visuel, c'est la perfection : 16/9 de rigueur, son 5.1, 3D à chaque plan, le spectateur est époustouflé, et ne peut que mesurer la dette d'Ergo Proxy envers Matrix : mise en scène inspirée du film pour les scènes d'action, et scénario complexe aux aspirations philosophiques.

Pourtant, les points forts sont inextricablement mêlés aux faiblesses :

-La mise en scène se veut audacieuse, et prend souvent le risque d'être incompréhensible, ne serait-ce que parce que certains épisodes sous-entendent des ellipses que le spectateur n'est à même de combler que tardivement dans l'épisode, cela vaut surtout pour la deuxième moitié. En effet, la première moitié est en comparaison très pauvre : on campe des personnages parfois passionnants (Pino), parfois mal employés : dès le début Real Mayer, personnage au design splendide, est satellisé dans les à-côtés du scénario, et lorsqu'elle se joint au groupe de Vincent Law, ce n'est qu'en tant que trouble-fête aigri et de ce fait peu utile au scénario. C'est le plus grand gâchis du da, qui parvient tant bien que mal à annoblir Real dans les deux derniers épisodes... Les 13 premiers épisodes se résument ainsi à l'errance des personnages dans le désert entourant Rondeau, et on est pas loin de l'ambiance de la première moitié du film de Judge Dredd...

-La deuxième moitié relève bien le niveau, mais l'histoire est grevée par des préoccupations et une icônographie chrétienne que l'on sent peser de plus en plus lourd jusqu'à la fin : poids du péché, anges volants, virus qui éveille les autoraves et provoquent chez eux une sorte de posture extatique directement empruntée aux vies de saints, tout cela s'entrechoque et manque d'homogénéité.

-les noms de philosophes donnent un côté gratuit franchement déplacé, surtout que les noms employés collent mal : Derrida passe encore, mais Kristeva n'est pas philosophe (ou si peu), c'est une universitaire spécialisée dans la critique psychanalytique, qui sévit encore au sein de l'université française, et qui par ailleurs écrit des romans qui parlent du Japon. Mais bon, ça lui fera peut-être plaisir de voir son nom dans Ergo Proxy...

-Le meilleur demeure peut-être le nom de la ville, Rondeau : le rondeau est un poème très prisé au XVIème siècle, dont toute la structure repose sur le retour d'un refrain. En gros le nom est assez plaisant pour une ville qui est enfermée dans un cercle vicieux inextricable, enfermé dans un refrain...

Pino aussi est extrêmement bien trouvée. Ce personnage permet une analogie permanente avec Alice au Pays des Merveilles, qu'elle lit d'ailleurs dans un épisode; l'allusion est loin d'être gratuite, et pousse le spectateur à voir le monde d'Ergo Proxy comme l'envers d'un décor. L'idée de lui laisser son costume de lapin rose est excellente, et permet d'introduire de l'étrangeté dans un univers qui autrement devrait tout à Matrix et Blade Runner (les autoraves qui ont une âme...). L'enfance reste au coeur de ce monde gris, et permet quelques poussées fantaisistes bienvenues...

Donc, pourquoi Ergo Proxy ne marche pas ? Probablement parce que l'héritage de Samurai Champloo a pesé lourd, et que le désir de faire mieux a alourdi un projet déjà trop ambitieux à la base.

Un bon da quand même, un peu lourd dans son désir de faire date, et un peu décevant dans sa chute.

Verdict :5/10
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A propos de l'auteur

watanuki, inscrit depuis le 21/10/2006.
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