Hyôka, mystères d'une éclosion

Sur le papier, la série Hyôka est une série on ne peut plus classique, mêlant vie lycéenne et enquêtes menées par un groupe d’adolescent aux caractères bien définis. Si ces ingrédients connus de tous limitent les dégâts potentiels, ils risquent de condamner pourtant la série à l’oubli, cette dernière étant noyée dans le flot des séries du même type. Toutefois, vous l’aurez deviné, et c’est l’enjeu de cette critique, ce n’est pas le cas. Hyôka se distingue dans l’exécution d’un synopsis pourtant classique et constitue une série qui vaut le coup d’œil.

La qualité technique au service d'une réalisation maîtrisée

Tout d’abord, on reconnaît ici le travail d’un studio dont la réputation n’est plus à faire, Kyoto Animation. La qualité graphique est excellente : les paysages sont superbes, tout en nuances et en douceur, le chara-design plutôt classique, est sublimé par un travail minutieux effectué sur les expressions faciales et l’expression corporelle de toute une palette d’émotion, les jeux de lumières sont très maîtrisés. Le tout donne une impression immédiate au spectateur : c’est beau, tout simplement.

Et la performance n’est pas purement technique. Cette qualité graphique vient au service d’une réalisation impeccable et souvent inventive. C’est bien, à mon sens, cette réalisation, alliée aux forces techniques, qui vont pouvoir faire de la série plus d’une énième série lycéenne. Elle permet, par exemple, un développement fin et continu des personnages. Le travail sur l’expression de ces derniers permet, sans oublier toutefois les codes de l’animation japonaise, de rendre l’évolution de chacun plus progressive et donc cohérente.

Une réinterprétation modeste mais originale de la figure du détective

La réalisation est particulièrement inventive lorsqu’elle a attrait aux déductions du personnage principal, Hôtarô, visant à résoudre des énigmes. Les déductions sont présentées à travers des sortes de schémas animés qui viennent illustrer les schémas de la pensée de Hôtarô. Le rendu est très intéressant : il s’agit de récits dans le récit qui incluent une rupture graphique et de rythme. Ainsi, Hôtarô devient, en plus de détective, le conteur. De la même manière, il arrive que l’esprit d’Hôtarô vienne « déborder » sur la réalité de l’anime, donnant lieu à des scènes oniriques, témoignant de son point de vue et de ses sentiments.

C’est en cela que je trouve que Hyôka demeure un modeste mais réel hommage au genre policier au sens assez classique du terme. On retrouve de nombreuses références aux détectives classiques de l’art occidental (Poirot, Sherlock). Ces références sont pour les personnages de discuter et de montrer les différents rapports et interprétations possibles de la figure du « détective ». Le personnage principal lui-même est une réinterprétation lycéenne et modeste de la figure. On retrouve le schéma du personnage assez peu porté sur les relations sociales mais aux capacités de déduction hors pair, à l’esprit puissant et qui déborde parfois le détective. L'animé insiste bien par ailleurs sur la fonction de conteur et le rôle de l’esprit chez ces personnages.

Nuances et conclusion

Toutefois, si l’animé m’a séduit, il a, notamment au début, un problème de rythme. Ce souci de lenteur tient presque des qualités que j’énonçais au début. Du fait du grand travail sur l’animation et du jeu sur le détail, le spectateur est d’emblée porté à la contemplation. De plus, par un souci de cohérence, les mystères en jeu sont, surtout au début, de portée minimes. Ainsi, le début apparaît vraiment lent et est desservi par le schéma « un épisode un mystère ». J’ai pour ma part étalé le visionnage des premiers épisodes sur plusieurs mois. Le « quelque chose » de Hyôka met du temps à se mettre en place. Lorsqu’enfin il éclot, quelque chose se passe et les épisodes se succèdent facilement et avec plaisir.

Hyôka est alors un peu à l’image de son protagoniste: l’histoire d’une lente, mais belle, éclosion.