De nos jours, faire des animes se déroulant dans le monde lycéen, c’est une finalement plus une prise de risque qu’autre chose. Car si certains arrivent à se distinguer de la masse et à exister, la plupart finissent par rapidement sombrer dans l’oubli. En particulier, tous les animes du genre ont une crainte, une angoisse ; tomber face au mastodonte Kyoto Animation. Depuis maintenant plusieurs années, le studio préféré des otakus monopolise le genre, ne laissant aucun répit à ses rivaux.
Et avec Hyouka, série de 22 épisodes adaptée d’un light novel de Yonezawa Honobu, KyoAni n’a encore une fois aucun mal à balayer la concurrence.
Le personnage principal, Hôtarô Oreki, est ce que l’on peut appeler un branleur de première. Bien décidé à ne rien faire de sa vie de merde, il espère intégrer le lycée de la manière la plus discrète qui soit et surtout – surtout - ne pas avoir en foutre une.
Sauf que, KyoAni oblige, il faut bien qu’il y ait un club quelque part. Et lorsque, pour une raison ou pour une autre, Oreki intègre l’obscur club de Littérature Classique, il fait la rencontre qui va bouleverser son univers.
Eru Chitanda, fille d’un pèqueneaud du coin, n’est pas spécialement douée pour les relations avec les gens mais elle arrive toujours à obtenir ce qu’elle veut. Et même notre Oreki le branleur ne saura y résister, ce qui le poussera à jouer le pseudo-détective pour résoudre les mystères que Chitanda et le scénario ont placé sur sa route.
Sauf que Oreki a du talent. Beaucoup de talent. Et c’est ça qui est cool.
On me dit dans l’oreillette qu’il y avait aussi deux autres personnages, Satoshi et Mayaka. Mais comme ils ne servent à rien, j’en parle pas.
Hyouka joue la sécurité et reprend l’architecture de La Mélancolie de Haruhi Suzumiya, du même studio. Les premiers épisodes, disons le premier quart, proposent une intrigue principale (le mystère de l’anthologie Hyouka) qui met en place des enjeux et qui les résout aussitôt. Le reste de la série servira à approfondir les personnages et à permettre à KyoAni de rappeler que niveau animation, c’est bien eux qui ont la plus grosse.
Car oui, pour ce qui se rapporte au chara-design, aux décors et à l’animation, Hyouka place la barre très haut, et repousse encore une fois les standards de qualité graphique dans la japanimation. Plus d’un studio concurrent a dû se sentir dégoûté en voyant tant de personnages expressifs, de décors ruraux si détaillés, de jeux de lumières si réussis, de couleurs si subtiles. Hyouka propose une qualité technique que de nombreux long-métrages d’animations rêveraient d’égaler. Une pure merveille.
KyoAni se permet même d’inclure dans de nombreux épisodes - les premiers surtout - de petites saynètes d’animation tranchant avec le style habituel de la série. Une façon de mettre à profit l’expérience d’animation quasi-expérimentale que fut Nichijou, et de narguer ceux les croyant condamnés au classicisme.
Très littéraire, la narration de Hyouka est particulièrement structurée et adaptée à son format, ce qui change agréablement de ces précédentes séries adaptées de yonkoma. Bien que les mystères ne soient pas d’une envergure dramatique, ils ont l’avantage de rester raisonnables et crédibles, ce qui nous implique paradoxalement plus que dans d’autres séries policières ratées. Ce talent de KyoAni de parvenir à toujours se renouveler en jouant la même partition confine au génie, dont certains épisodes jouissifs comme le 19 en sont l’expression.
Hyouka aligne par ailleurs un casting de personnages relativement réduit pour une série de 22 épisodes. En vérité, seuls deux présentent un intérêt, le duo Oreki-Chitanda. Fonctionnant sur le même modèle que le duo Kyon-Haruhi, c’est-à-dire une attirance ambigüe destinée à frustrer le spectateur, il est à la fois moteur et le carburant de la série. Ce sont leurs interactions qui déclenchent l’intrigue, et se sont ces interactions qui nous poussent à continuer la série. L’évolution du couple, aussi logique et régulière que la progression temporelle du récit, mène à un dénouement attendu mais assez bien orchestré, et qui pour une fois ne hurle pas à la suite. Même si je ne dirais pas non.
La postérité fera le travail mais Hyouka est sans doute la production la plus aboutie, la plus mature du studio KyoAni depuis quelques années. Cette production fait la synthèse du meilleur de ce que le studio a produit (les personnages de Haruhi, la réalisation de K-On, l’inventivité de Nichijou) dans un anime qui rehausse encore les standards du genre et envoie balader les challengers. Les haters peuvent parler, moi c’est une crème glacée que je serais prêt à goûter sans modération.
Les plus
- Graphismes magnifiques, de niveau cinéma
- Animation fluide, décors saisissants
- Superbe musique par Tanaka Kôhei
- Doubleurs remarquables, Yûichi Nakamura en tête
- Un protagoniste kyonesque excellent
- Enquêtes ingénieuses et marrantes
Les moins
- La moitié des personnages inutiles
- Gros passage à vide en milieu de série
- Génériques hors ton
PS: J'adore Chitanda et je vous emmerde.