Ca y est, après 15 années de bons et loyaux services, notre Ninja à sweet orange prend sa retraite. Dès lors peut enfin se poser une question légitime : l’œuvre dans son ensemble marquera-t- elle son époque comme l’a pu faire un DBZ ? Et quand bien même, si elle le faisait, cela en ferait-il pour autant un tout simplement un bon manga ? Allez lançons nous
Préambule
On peut estimer que le manga se décompose en une quinzaine d’arcs. Si Naruto a pu séduire et maintenir un lectorat conséquent c’est sans doute lié à l’attente de la fin (Naruto = futur Hokage, pi c’est comme ça, d’abord). Car très honnêtement, j’ai du mal à entendre le manga être qualifié de terme chef d’œuvre tant le niveau fut inégal tout au long de ces 15 années, et la cohérence de l’univers mis à mal.
Du postulat de départ (monde de Ninja, avec ses techniques spécifiques) on va très vite basculer dans un monde parallèle (communément appelé le monde « WTF »), ou franchement l’utilisation des shurikens et autres kunays vont assez vite me laisser perplexe, vu qu’ils vont devenir peu à peu aussi efficaces que les charges de la cavalerie polonaise contre les chars de l’armée du 3éme Reich (et un point Godwin, un !). Rapidement les signes ninja vont également gentiment rejoindre le paradis des cygnes (le fameux). Bref les combattants vont très vite s’éloigner du profil type du shinobi du début, sauf à parler des Bijuu comme arme d’infiltration ninja, mais à mon sens, on a connu plus furtif.
L’œuvre va progressivement entrer dans un cycle où les transformations et les pouvoir surnaturels vont se manifester de plus en plus, jusqu’à l’indigestion. Donc quand on me parle d’un manga de ninja, je me gausse et c’est normal.
Naruto est également une série très enfantine – c’est sans nul doute ce qui a contribué à son succès auprès de la jeune génération - de par son propos, d’abord trop facilement pacifiste à maintes reprises, et ensuite de part une approche de la psychologie des personnages que je qualifierai gentiment de basique. Et sachez-le, je n’aime pas être gentil ! A titre d’exemple, le vrai méchant, le pur et dur, est finalement très rare et facilement gentillo-convertible ( Zabuza, Kabuto, Gaara, Orochimaru, Itachi, Nagato, Obito, Sasuke, et j’en oublie sans doute un certain nombre). Le vrai méchant est le plus souvent un sbire sur lequel ne s’attarderait pas l’histoire de toute manière.
Je veux bien qu’une part de gentillesse se cache en chacun de nous, et que la vie ne soit pas uniquement manichéisme. Mais l’inverse est également reprochable, car une fois le mécanisme identifié, la trame de chaque arc devient assez prévisible.
Enfin, le traitement de certains personnages et de leur évolution me laisse perplexe. Qui peut m’expliquer pourquoi Kakashi, le fameux ninja-qui-a copié-1000-techniques-mais-dont-on-n’en-verra-même-pas-un-centième peut à la fin terminer Hokage, par exemple ? Sakura qui est censée être devenue super balaise, mais non en fait, elle a surtout acquis le pouvoir de super infirmière, tâche qui ne semble destinée qu’aux femmes soit dit en passant. Neiji qui est censé au départ devenir l’un des futurs plus puissants ninjas, mais qui va disparaitre au propre comme au figuré, Tobi qui passe d’un débile mental au début à un mégalomane hyper sérieux par la suite…
Cependant tout n’est pas à jeter bien au contraire. Le manga, conscient de ses lacunes, va plusieurs fois tenter de rectifier le tir avec succès.
Naruto est tout de même un manga qui – s’il s’éloigne rapidement de son propos de base – possède une personnalité. Même si le concept va être abandonné en cours de route, l’utilisation de nombreux personnages secondaires permet de développer un certain nombre de sous intrigues et de ne pas focaliser l’ensemble de l’action sur le seul couple Naruto / Sasuke. La relation entre Kuybi et notre Ninja orange alimente également la série avec un traitement –certes attendu- bien mené. Le personnage de Naruto, pas loin d’être insupportable à bien des moments dans la première partie, va monter progressivement en grade, jusqu’à justifier qu’un manga porte son nom. Et franchement ce n’était pas gagné au départ. D’ailleurs un aparté, mais la version anime pré période Shippuden a permis de rendre, par la grâce de la voix et de l’audition, ce personnage encore plus insupportable.
On peut situer l’état de grâce entre la fin du combat entre Sasuke et Deidara, et la fin de l’arc Pain. Là l’auteur emmène Naruto à son apogée scénaristique. Le combat Sasuke / Itachi, attendu depuis des lustres est une vrai réussite, malgré un risque maximum de plantage. On s’émeut du destin tragique de Jiraya et on frissonne en voyant Naruto combattre Pain, le tout dans un champ de ruine apocalyptique. Indépendamment de cette période, je pourrais également citer l’arc Gaara, dont le personnage est à mon sens bien exploité par l’auteur.
Le très mauvais va se disperser un peu partout. L’arc le plus ennuyeux est sans nul doute celui de Sai, trainant en longueur et dont l’intérêt peine à se faire sentir. L’introduction de deux nouveaux personnages (Sai et Yamato) en est l’illustration : ils ne referont jamais plus vraiment surface en tant que réels protagonistes de l’histoire. Précédemment, l’arc concernant la fuite de Sasuke est uniquement sauvé par le combat final, mais il a le tort d’ouvrir la boite de Pandore, en intégrant le concept de transformation, concept qui va désormais polluer le reste du scénario.
Et le très très mauvais va surtout se faire remarquer lors de l’interminable arc final. Je l’évoquerai là encore plus tard.
Naruto, une genèse balbutiante :
Reprenons notre analyse en analysant le socle même de l’histoire, le postulat de base. Problème et non des moindres : la jeunesse de Naruto pré-début de l’histoire. De cette époque, nous n’avons somme-toute que peu d’informations. On va nous asséner à longueur de tomes que Naruto était un être exclu de tous, que personne ne l’aimait etc. Avec comme symbole, l’image de la balançoire. Oui oui oui mais ….
Faire tenir un scénario sur une idée de base, soit, mais encore faut-il que cette dernière tienne la route. Car franchement, à part les brides d’information sur la prime jeunesse de notre jinchuuriki préféré, rien ne vient vraiment corréler cet état de fait. Tout au plus le premier chapitre. Sinon, pour quelqu’un de rejeté, je trouve que le gamin s’en sort pas si mal. Pire, l’un des flashbacks le montre en train de faire les 400 coups avec ses camarades de classes, bien avant le début du manga, mettant en lumière une vraie contradiction avec le propos initial.
L’utilisation des flashbacks est d’ailleurs assez frappante. Alors que l’histoire de Sasuke – Itachi peut tenir sur un bon deux tiers de tome, tout en étant limpide et intéressante, on a pratiquement rien à se mettre sous la dent concernant le personnage principal. Ce qui paradoxalement fait Sasuke un personnage plus abouti. On peut également citer dans les réussites le cas de Gaara, où là encore, son passé est clairement expliqué et fournit une motivation concrète à ses actes.
Pour résumer : Naruto est un ninja détesté, mais que tout le monde apprécie en fait, du second au dernier chapitre. On a vu mieux, comme rejeté.
Pain le tournant ?
Comme évoqué précédemment - et on peut à la limite évoquer la prétendue mort d’Orochimaru, mais j’avoue pour ma part n’avoir jamais véritablement cru à cette disparition trop soudaine et rapide du méchant clé de l’époque- il y avait depuis environ 10 tomes une réelle et dramatique montée en puissance du manga. L’auteur avait manifestement décidé d’accélérer le rythme de l’histoire, en prenant un tournant assez majeur de par le décès avéré cette fois-ci de Jiraya et Itachi. Certes il y avait bien eu celui du 3éme auparavant, - mais il était vieux et les mangakas n’hésitent à faire trépasser les personnages ayant atteints la limites de péremption, ça fait moins pleurer dans les chaumières parait-il - et celui de son fils Asuma (mais ce n’était pas ce que l’on pourrait considérer comme un personnage principal de l’intrigue).
Jiraya et Sasuke ainsi trépassent et 2 personnages charismatiques nous quittent. Véritable audace de l’auteur qui insuffle ainsi l’idée que d’autres morts pourraient venir. Comment ne pas penser par exemple à ce moment, à Tsunade, vu qu’il est à peu près acquis que Naruto sera le futur Hokage, à l’époque et qu’il faudra bien libérer la place ? Bref arrive ainsi l’arc Pain.
Et là l’auteur atteint son apogée. Le style graphique ne cesse de s’améliorer depuis quelques tomes, l’intensité laisse le lecteur essoufflé à la fin de chaque chapitre. Là encore le drame survient avec le décès de Kakashi et sans doute celui d’Hinata. A noter, mais ça reste énormément subjectif, c’est sans doute la première fois que le personnage de Naruto m’est apparu digne d’avoir un manga à son nom. A l’époque « Sasuke » m’aurait limite paru plus crédible (je force le trait) tant le personnage écrasait son rival en matière de charisme.
Hélas…
A l’issu de la confrontation entre Nagato et notre sennin de héros, Kishimoto fait un choix radical dont les prémices se situe dans la fin de l’arc « à la rescousse de Gaara » : la résurrection des personnages décédés lors de l’affrontement entre Pain et Konoha. A noter d’ailleurs qu’il ne ressuscite pas Jiraya. Bon après tout vous me direz, ce n’était que son maître, ce n’est pas comme si ce genre de personnes était important. Ingrat, va …..
Comment se passer de Kakashi, personnage fréquemment cité parmi les préférés des lecteurs lors des sondages jump ? Comment se passer d’Hinata, dont la cruchitude manquerait tant au triangle amoureux sans intérêt Naruto – Sakura- Hinata? Fallait-il donc privilégier les fans au détriment de la dramaturgie ?
Je ne sais si ce revirement était prévu à l’origine, si l’auteur a eu peur de franchir définitivement le rubicond, et passer à un manga plus « adulte » toute proportion gardée, si ce choix a été dicté par sa rédaction. Je ne sais pas. Ce que je sais par contre, à l’issu de cet arc, c’est que plus personne de vraiment important ne décédera (je vous vois venir avec la mort de Neiji, mais calculez-moi le nombre de cases où il apparait depuis Shippuden, et venez oser m’affirmer après qu’il s’agit d’un personnage principal !).
Comment ne pas décrocher par la suite ? Comment croire encore à la possibilité de l’auteur de nous surprendre ?
Et ben si, figurez-vous qu’il vous nous surprendre à nouveau, mais en pire, en nous sortant l’infâme carte de l’Edo Tensei !
Edo tensei, je te hais
J’ai conscience de m’attarder plus sur la fin du manga que sur le début, mais il est communément reconnu que plus l’on s’élève, plus dure sera la chute.
Car notre scénariste est désormais pris d’un accès de Fanservicite aigue. Quoi de plus simple pour alimenter une guerre –qui aurait vite été expédiée, vu la force des Zetsu blancs, soit dit en passant – en rajoutant des combats inutiles histoire de faire trainer en longueur la trame ? Tout en sachant qu’initialement Obito n’aurait pas dû bénéficier de ce coup de pouce et du coup, nous n’aurions pas eu le passage sur Madara. Honnêtement, quel intérêt de faire le remake du combat Kakashi Zabuza, par exemple ? De faire s’affronter des ninjas prétendument célèbres mais non en fait, comme le frère de Sai ou le fiancé de Tsunade ? Faire affronter le père de Gaara avec ce dernier, l’équipe de Shikamaru avec Asuma….etc
Bref, tout, mais alors là, tout est fait pour faire « plaisir » aux fans qui rêvaient de (re)voir ces combats théoriquement impossibles. Et c’eut été très bien que cette envie soit restée lettre morte, au vu du résultat : lent, ennuyeux, sans suspens, désolant.
Les morts semblent conserver une personnalité propre, et deviennent ainsi des protagonistes à part entière de la trame. Au final, c’est vachement pratique cette technique, encore mieux que les Dragon ball, vu que les morts deviennent immortels – de par le fait – tout en conservant leur personnalité d’origine, ainsi que leur mémoire. Et plus fort encore, bien que mort, ils sont parfois au courant de l’évolution des événements post mortem. Trop fort, j’espère bien être Edo Tenseisé, une fois passé de vie à trépas, pour ma part.
Toujours est-il que l’intrigue se développe dans la douleur, tant est si bien qu’on ne voit pas un instant où l’auteur veut nous emmener. Et surtout le doute nous guette : le sait-il seulement lui-même?
Au passage une petite incohérence importante : la résurrection des jinchikurii ? Et de leur transformation en bijuu, alors que rappelons le, ces derniers sont scellés dans la statue ? Ce n’est pas comme si ce n’était pas important pour l’évolution de la relation entre Kyubii et Naruto, m’enfin je dis ça, moi….
Final : mais qu’est-ce que hein, quoi, hein ?
Là j’ai une théorie. L’auteur, usé par sa fanservicite aigue, et sentant que la fin (le meurtre par la main d’un fan objectif) serait proche s’il continuait à s’aventurer sur les pistes glissante de la facilité, se décida de précipiter la fin du manga, en ressuscitant Madara (dont le corps est censé être vivant quelque part, donc comment peut-il être Edo Tenseisé, je vous le demande ?) et en massacrant le personnage d’Obito qui tenait pourtant le fil rouge depuis le presque début de l’Akatsuki. Passé la 15éme transformations de Madara, d’Obito, de Sasuke, de Naruto (rah ça m’essouffle rien que de taper ces quelques mots), intervient le big boss final, une belle femme ayant bouffé un fruit de Chakkra qui l’a rendue très, mais alors, très méchante (ah le fameux fruit de la méchanceté… qui a parlé de One Piece au fonde de la salle ?).
Là on apprend d’un vieux lévitant qui débarque dont on sait trop d’où que Sasuke et Naruto sont les descendants d’une lignée étrange entre coté clair et coté obscure de la force ou un truc du genre. Que du coup, leur destin est de s’affronter, ce qu’ils feront une énième fois lors d’un combat sensé être épique, mais dessiné et scénarisé à l’arrache de façon à terminer au 700éme chapitre, marketing oblige.
Puis : FIN. (Résumé tréééééés rapide, inversement à la looooongue souffrance éprouvée à la lecture)
Bref on y comprend rien, ça va trop vite, c’est bâclé, et franchement, le Kishimoto d’il y a 14 ans doit franchement bien se marrer en voyant l’escroquerie qu’il pondra des années plus tard. Car que l’on ne me dise pas que cette fin était prévue dès le début du manga ! Sincèrement, je ne suis même pas sûr qu’au début de la guerre des Ninja contre les zombies et les plantes vertes (bon ok, blanches) il ait eu ce dénouement en tête.
Il fallait sans doute terminer le manga au 700 éme chapitre. D’où la précipitation. Mais qu’on ne me dise pas qu’il s’agisse d’une fin convenable : Le revirement de Sasuke qui défie l’entendement, après un énième flashback utilisé à moult reprises, l’absence de traitement du cas Orochimaru, l’inondation à vomir du fan service (encore !) du dernier chapitre, tout cela donne une impression plus que mitigé, une fois parcouru la dernière image. L’histoire aurait pu continuer sans nul doute, si l’auteur n’avait pas voulu en précipiter le terme.
Naruto marquera-t-il l’histoire du manga ? Assurément oui, car il fut le manga de toute une génération. Mais les diverses incohérences, les multiples sorties de routes, et sa fin incompréhensible et capilotractée comme ce n’est pas permis n’en fera pas un manga inoubliable, loin de là. Et c’est bien dommage, le potentiel entrevu à maintes reprises était vraiment là.