Après quinze ans de bons et loyaux services, aujourd'hui en 2014 (enfin au moment où la critique à été écrite) l'épopée du ninja en survêt orange a pris fin. Il est temps de faire le bilan, calmement, comme dirait les Negs Marrons, ça a quinze ans ça aussi.

Naruto au départ qu'est-ce que c'est ? Une histoire de Ninja atypique que l'auteur Masashi Kishimoto, débutant à l'époque, nous présente. Un univers propre, un vestimentaire inspiré, des codes, des techniques, Kishi (pour les intimes) pose un nouveau modèle et changera à jamais notre vision du ninja. L'histoire commence avec un petit merdeux blond qui veut absolument être reconnu. Orphelin, rejeté, il a pour rêve d'être vu de tous, respecté de chacun, de devenir l'Hokage.
Commence sa quête, la vie du manga Naruto.

C'est ce départ qui a enchanté les foules. Le premier arc traité amène le monde développé, et par un juste mélange de Bad Asserie et d'émotion forte, le publique a accroché. J'irai même plus loin, à l'époque de sa sortie, c'est tout le grand publique qui s'est jeté dessus, amenant des âmes perdues et de nouveau venu dans l'animation japonaise. A l'instar d'un DBZ, le manga Naruto s'est fait fédérateur. Les raisons sont nombreuses : des personnages au charisme évident, un BG fourni et du mystère. Et surtout le personnage de Naruto, le gamin qui doit s'accomplir, mauvais et sans talent, mais au potentiel infini, comme tous les enfants. De le voir grandir, les premières victoires, ses premiers coups d'éclats, reste une pointe de joie dans mon cœur, voire de fierté. Mais c'est là que le bât blesse. L'histoire de Naruto n'est pas que celle de son héros, c'est aussi une histoire d'amitié et de rivalité. Apparaît le personnage de Sasuke.

Personnage qui aura divisé les foules. Jusqu'à poser certaines questions essentielles sur le manga, concernant sa position vis à vis de son personnage principal. De là proviennent alors tous les écarts du manga. Surpuissance exagéré du rival, power up inexpliqué, et la fin de la période de l'enfance avec l'erreur, la faute de goût : l'apparition des monstres. Le sceau maudit. Elément amené rapidement, symbole du côté obscur pour ce second personnage, versant sombre de la voie à suivre. Celle de la haine, de la rage contre le monde, contre la société par extension.

Vient la deuxième partie de Naruto. Finalement la plus longue. Une ellipse et on repart. Les héros ont grandit, se sont séparés, et il est temps de découvrir le monde qui s'était finalement limité jusque là à un seul village. Apparaît alors un nouvel antagoniste plus obscur, moins terrifiant comme l'était Orochimaru, le serpent, terreur des enfants, voleur de jeunesse, celui qui fait basculer. La base devient différente, Kishi se veut éducateur. Déjà dans la première partie, sa volonté de parler de l'adolescence, de ses difficultés se faisait grandement sentir. Au travers de tous les autres aspirants ninjas, compagnons du héros dans son enfance, l'auteur nous a parlé de la jeunesse. Chaque personnage est l'archétype d'un passage difficile de la période adolescente. L'obésité avec Choji, le corps traître, brimé par son apparence mais d'un courage et d'un cœur plus grand que chacun, le cas de Lee qui, sans talent, va tenter par ses efforts d'atteindre les génies, le cas de Neji l'enfant brimé, dont toutes les voies sont bouchées, ou encore Gaara, le mal aimé, et j'en passe. Diverses images de cette période nous sont présentées, avec la peine exprimée mais surtout de l'espoir. L'espoir qui est donné par les liens entre les gens, l'amitié, la reconnaissance de l'existence par l'autre. Le thème est balancé, il sera alors la solution de tout. Solution, mais aussi la raison.

Revenons à la deuxième partie. Dans cette partie, fort décriée. D'ailleurs, soyons honnête, le début est laborieux, long voire inintéressant. L'introduction à l'univers étendu est maladroite voire ratée. Les nouveaux antagonistes déjà amenés comme l'Akatsuki perdent un peu de superbe. Reste la suite. Une montée en pression quand se tend alors le véritable discours de Kishimoto : l'aspect antimilitariste.

Pain incarne le tournant du manga. Il est la clé de voûte de ce qui va plonger Naruto dans son véritable chemin, soi-disant rude et escarpée. D'abord quête personnel, le personnage principal voulait être reconnu, au-delà maintenant, successeur des anciens, il va décider d'aider son monde, de trouver la solution, la quête de la paix. Tout se dessine, se précise, finalement la raison de cette souffrance est la guerre, finalement la raison de toute la souffrance du monde est l'incapacité des gens à se comprendre, et donc l'emploi de la violence pour imposer leur vision. Dans l'univers de Naruto personne n'est méchant, tous ont eu un malheur dans leur vie, un milieu social qui les a poussés à devenir haineux ou tyrannique.

La solution de Kish (l'auteur)i est alors l'écoute et l'acceptation de l'autre, qui peut se faire par le cadre familiale, les amis ou encore l'école. L'école devient le lieu formateur de l'adulte en devenir, en particulier les professeurs, figures fortes, exemplaires et surtout responsables. Presque un regret de Kishi de n'avoir pu être correctement guidé dans sa vie par la structure scolaire, il met dans son œuvre, des hommes et des femmes qui ont en eux la pédagogie et l'écoute nécessaire au bon développement de l'enfance. Mais cela ne suffit pas. Des personnages comme Sasuke, Sasori ou Orochimaru restent malgré tout détruits par la violence du monde, incarnée par la haine, la peur cristallisées par la guerre, guerre éternelle qui ne prendra jamais fin.

Alors Naruto va se battre, rassembler, lutter par les armes et surtout par les mots, jusqu'à un final apocalyptique, surdimensionné (ils se seraient battus sur la lune que je n'en aurais pas été dérangé) où au-delà d'affronter les individus Naruto va affronter l'histoire et les hommes qui l'ont construit. Unissant le monde sous une même bannière, celle de la paix, il va se battre pour repousser l'illusion et la solution imposées par un seul esprit, la tyrannie et l'hypocrisie de soi.

L'œuvre prend fin, joliment, l'ambition accomplie d'avoir éduqué ou au moins transmis le message.

Alors finalement Naruto c'est quoi ?
Naruto est une œuvre qui contient un paquet de défauts, de récits, de rythme, même de choix, frileux et parfois bien trop scolaires, d'une ingénuité désarmante, s'en détache malgré tout la passion et l'ambition de transmettre de grandes idées, de belles idées. L'expérience vécue est alors transcendée, j'ai accompagné ces personnages, appris à les aimer et les détester, appris aussi à pardonner à Kishimoto. Pardonner, car l'intention est noble, sa volonté d'éduquer palpable et son amour pour son univers communicatifs. Kishimoto à la différence d'autres auteurs de son temps, voulait davantage qu'un DBZ bis. Il voulait aussi, donner un peu de son cœur et de sa foi en l'humanité. En cela je le salue bien bas, d'avoir apporté de nouveaux grands modèles à suivre aux nouvelles générations, de leur avoir donné de nouveau héros, à l'instar d'un Goku et d'autres icones de mon enfance. De nouvelles figures qui impressionnent, évoquent ce qu'il faut faire et ne pas faire, qui apprennent et inspirent.
Alors oui, on pourra toujours lui reprocher une montée finale bien trop fracassante, des facilités de récits (qui sont tout de même sa marque de fabrique à Kishi) et une vision de la femme ô combien décevante au regard du discours d'ensemble. Reste un manga, une saga, qui de son temps aura enflammé une partie du monde et continuera, j'espère, à impacter les enfants, les adolescents, et tous ceux qui ont rêvé et rêveront du petit blond en survêt orange, partie de rien et qui arrive à ce qu'il vise.

Fabe aussi aime Naruto.