Ailes Grises est un petit bijou de 13 épisodes, dont le seul bémol est qu'il faut attendre (du moins, c'est ce qu'il m'a fallu) 3-4 épisodes pour accrocher, mais à la fin de la série, on en redemande.
Cette série est tirée du manga (papier) paru quelques années plus tôt, que personnellement, je n'ai pas lu, donc je ne peux pas faire de commentaires sur l'adaptation du manga en animé.
L'histoire se passe dans un "monde", constitué d'une ville à l'architecture très européenne (et donc qui m'a de suite été très familière, ça pourrait être n'importe quelle bourgade de France) et alentours, entourée d'un mur, qu'il est interdit de franchir (ou même de toucher), sauf pour une sorte de guilde de commerçants, auxquels seulement une personne est autorisée à parler, et donc d'un "dehors du mur" qui ne sera pas visuellement dévoilé.
Aux périphéries de cette ville, se trouvent un ancien couvent et une usine désaffectée, habités par une population un peu "spéciale", les Ailes Grises (parce qu'elles ont des ailes grises dans le dos), qui vit à la fois séparée de la population "humaine" et avec les "humains". En effet, si les Ailes Grises résident en communauté dans ces endroits, pour subvenir à leurs besoins (alimentaires, vestimentaires), elles "doivent" trouver un travail, qui pour nombre d'entre elles est en ville dans certains commerces ou services, la boulangerie, la bibliothèque, l'horlogerie, le restaurant... Mais - et c'est un des points intéressants de la série - ce travail n'est pas rémunéré, au sens où nous nous l'entendons, par de l'argent. Les Ailes Grises sont d'une certaine façon "gérées" par la "Guilde" des Ailes Grises, qui fixe certaines règles, comme l'interdiction de recevoir de l'argent ou encore des vêtements neufs, sélectionne certains commerces/services dans lesquels les Ailes Grises peuvent travailler et en "échange" de leur travail leur remet un carnet, avec lequel il suffit de donner une page "blanche" dans un commerce de la ville pour recevoir en échange de cette page de la nourriture, des vêtements d'occasion... Une mixité "philosophique" avec un doigt de Proudhon, Marx & Co, de féodalisme et de compagnonnage fort intéressante.
Mais à bien y regarder, la philosophie et même la religion (si l'on pense encore à les séparer, les deux étant des courants de pensées/idées/mythes plus au moins populaires avec des adeptes/croyants) sont omniprésentes dans cet anime, MAIS de manière distillée ou discrète, je certifie qu'on ne se prend pas du tout la tête en visionnant cet animé, rien à voir avec un livre de Kant ou de Sartre (encore ceux-ci sont abordables). Les questions se soulèvent en douceur au fur et à mesure des épisodes, ouvertes et (parfois) fermées par l'intrigue principale et les intrigues secondaires, par les personnages des Ailes Grises, eux-même sujets et acteurs de ces questionnements, dont le fameux "qui suis-je, d'où vins-je, où vais-je"....
Car si les Ailes Grises sont un mystère pour la population "humaine" de la ville, les Ailes Grises sont aussi un mystère pour elles-mêmes. Leur naissance ? Une "plante" se met à pousser sans prévenir dans un coin ou une pièce de l'ancien couvent ou de l'usine (et les Ailes Grises déjà présentes doivent donc faire le tour des lieux pour découvrir si une "plante" a poussé et en prendre soin), cette "plante" grandit en formant un cocon (qui ressemble à un utérus sans chair rempli de liquide amniotique), d'où une "personne" va un jour sortir. A la naissance, cette personne n'a pas d'ailes et ressemble donc à un être humain, et peut être enfant ou ado ou déjà adulte. Dans ce cocon, les Ailes Grises font un rêve qui leur est propre, et lors de la venue au "monde", elles racontent leur souvenir de leur rêve, reçoive un prénom lié à ce rêve, puis leurs ailes poussent douloureusement et un halo est forgé dans un métal spécial et posé sur leur tête (flottant à la façon d'un ange).
La série commence donc avec la découverte d'une "plante" et de la naissance d'une nouvelle Aile Grise, Rakka, signifiant chute car le souvenir de son rêve était qu'elle tombait et l'on suit donc l'évolution de Rakka et ses autres amies Ailes Grises. Sans dévoiler les réponses aux questions (sinon cela gâcherait tout l'intérêt de la série), on découvre donc (plus ou moins) ce que sont les Ailes Grises, pourquoi elles sont là, pourquoi elles doivent faire telle ou telle chose, leur présent, leur passé, leur avenir... en passant des thèmes du devoir, du respect, de l'amitié, de l'égoïsme, du suicide, de la rédemption, de la vraie identité... Et la réussite de la série est vraiment là, de comprendre et de ressentir sans avoir réfléchi, avec un traitement sans niaiserie, avec une vraie beauté graphique et sonore.
Une douce poésie philosophique que je recommande fortement.