On ne s'intéresse pas assez au serviteur d'un Dieu.

» Critique de l'anime Noragami (TV 1) par orphée le poète le
04 Septembre 2015

Durant les années 2000, le studio Bones encore naissant s'est imposé dans le paysage cinématographique de l'animation japonaise, comme un des studios maîtres, au point qu'il s'est vu très rapidement confier des projets ambitieux comme "Fullmetal Alchemist" en 2003 puis en 2009.
Popularisé avec la sortie de "RahXephon" en 2002, monument du méchas psychologique introduisant les marques du studio, c'est à partir de 2003 avec "Fullmetal Alchemist" et "Wolf Rain" que Bones enchaînera jusqu'en 2009 une série de sans fautes, s'achevant ironiquement sur "Fullmetal Alchemist Brotherhood" afin de boucler la boucle. Durant cette période, sortiront des œuvres majeures ovationnées par le public et la critique ("Eureka Seven" en 2005, "Ouran High Scool Host Club" en 2006, "Darker Than Black" en 2007, "Soul Eater" en 2008 et "Buenen No Xam'd" en 2009).
Animation nerveuse, soin important consacré au son et à l'image, personnages iconiques, profondeur des personnages, Bones connaît alors un âge d'or et prouve son talent à chaque sortie.
Notons d'ailleurs que la majorité de leurs succès sont des créations, ce qui est rare dans l'animation japonaise.
Cependant, à partir de 2010, le manque d'inspiration se fait ressentir. Bones ne crée plus d'histoire, les grosses productions ne s'intéressent plus à ce studio qui, pourtant encore jeune, semble déjà appartenir au passé. Des échecs commencent à apparaître comme "Star Driver" en 2010, le chaotique "N°6" en 2011. Leur tentative de surfer sur leurs précédents succès se comblera par un échec avec le spin-off décevant "Eureka Seven Ao" en 2012.
Heureusement, en 2012, arrive sur table un projet plein d'espoir, "Zetsuen No Tempest", conte Shakespearien dans un univers fantastique qui saura remettre le studio sur de bons rails. La série est une réussite autant visuelle que scénaristique et Bones semble respirer à nouveau.
Ainsi, surfant sur la vague fantastique qui semble faire le bonheur du studio, un projet arrive sur les bureaux de Bones en 2014: "Noragami".

Ecrit par Adachitoka en 2010, auteur de "Alive Last Evolution", "Noragami" raconte l'histoire d'un Dieu nomé "Yato" cherchant la renommée et de son Shiki "Yukine", qui peut combattre à ses côtés en se matérialisant en sabre. C'est marrant, le coup des Dieux et des servants se matérialisant en armes et communiquant par un lien spirituel me rappelle étrangement un autre projet de Bones... disons S**l E***r.
Le scénario sera confié à Deko Akao qui a écrit pour "Natsu No Arachi", anime surnaturel sans prétention et assez touchant signé Akiyuki Shimbo et Shin Oonuma. La réalisation quant à elle sera remise aux mains de Kōtarō Tamura qui n'a encore rien réalisé intégralement.

L'anime s'ouvre sur un opening de grande qualité, annonçant la couleur, et c'est le cas de le dire. Une palette très agréable, un jeu de contraste avec un fond en couleur et des personnages en noir et blanc sur une très bonne musique, on se croirait plongé dans une production Shimbo/Shaft.
Et en effet, la réalisation est à la hauteur de ce que Bones peut produire. C'est fluide, c'est beau, la palette graphique est superbe, jouant sur le contraste et mettant en valeur les yeux des personnages ainsi que tout ce qui touche au surnaturel. Des couleurs chaudes et rassurantes viendront contraster avec l'obscurité inquiétante des décors, venant appuyer le clair-obscur du scénario de l'anime.
Les musiques quant à elles sont également très bonnes.

Jusque-là tout va bien, la forme est superbe et l'anime est très agréable à regarder. Cependant, on constatera un rythme bizarrement construit. Certaines scènes traînent en longueur, on ne voit que tardivement où l'anime veut en venir, et les arcs sont inégalement répartis. (3 épisodes, 6 épisodes, 3 épisodes).

Le premier arc, que j'appellerai "Rencontres aléatoires dans un monde de cas sociaux", introduit l'anime. Durant trois épisodes, on assistera à la présentation des personnages, et Dieu que c'est lent."Yato", Dieu raté inconnu de tous tente de devenir célèbre en ramenant un chat au bercail et c'est le moment idéal pour invoquer notre ami à tous: le Capitaine Cliché qui initialise son compteur. (Sérieusement, les Dieux, super héros et autres idiots surhumains qui n'ont rien d'autre à foutre que de s'occuper d'un animal de compagnie, c'est vu, revu, passé à la moulinette et mâché par absolument tout le monde...). En voulant récupérer le chat nommé "Messire" (mouais...), il manque de se faire renverser par un camion et est secouru par Hiyori, une neet standard, qui encaisse le coup à sa place (ça fait 2 points pour le Capitaine Cliché).
Plutôt que de mourir sur le coup comme toute collégienne respectable devrait faire, elle se contente de se séparer étrangement de son corps et lui pousse une queue animale (et ça fait 3). On apprends que son esprit est situé à mi-chemin entre la vie et la mort, relié par ça queue.
Ainsi, notre anti-héro se retrouve lié à Hiyori par cette rencontre du destin et en profite... pour se comporter en parfait connard en la stalkant, en se foutant d'elle en permanence et en lui faisant la promesse de lui rendre son état normal en l'échange de 5 yens, promesse qu'il repoussera indéfiniment, en bon enfoiré qu'il est.
Afin de péter la tronche d'esprits tous aussi bizarres les uns que les autres, car oui, c'est son métiers (4 clichés en deux épisode), il cherche un Shiki (âme de défunt, serviteur des Dieux se matérialisant en arme) qu'il trouvera en la personne de Yukine, que j'appellerai communément le petit con.
Pour résumer, Petit Con est un collégien troublé, mort on ne saura jamais comment, qui semble être doté d'une capacité spirituelle impressionnante , puisqu'il peut trancher comme aucun autre ne peut le faire. Leur rencontre servira de transition pour le second arc:

Et oui, tout irait bien dans le meilleur des mondes possibles si Petit Con n'étais pas un abruti fini. Constamment en train de se rebiffer, de geindre et de se plaindre, on apprend qu'il commet des larcins dès qu'il en a l'occasion en tentant de peloter Hiyori lorsqu'elle l'invite à dormir chez elle, en volant n'importe quoi et en pétant des vitres. Ces larcins dignes d'un wesh-wesh énervé semble être aussi grave que commettre un meurtre car son maître Yato perds de la puissance et se meurt tant Petit Con est le mal incarné (comme 95% des collégiens de son âge si on s'en tient à ses petits larcins...). Il me semble pourtant que Yato est bien plus diabolique que Petit Con, mais c'est bien Petit Con qui le souille et non l'inverse.
De plus, Petit Con est troublé par sa présumée faiblesse qu'il exprime tant bien que mal mais Yato en tout bon connard qui se respecte, décide de le harceler histoire de le pousser dans ses retranchements. Evidemment, Petit Con pète une durite et Yato se meurt dû au péché de son serviteur. Il faudra... juger Petit Con en l'amenant à se confesser.

Une fois le second arc clos, on peut s'attendre à ce que ce soit la fin, quand apparaît de l’abîme des retournements clichés un personnage tellement méchant qu'il cache son œil sous un masque en forme... d’œil. Affrontement, boum boum et un final qui amènera notre Capitaine Cliché adoré à se suicider au cyanure tellement tout est prévisible.

Tout au long de cette histoire, on aura appris que faire le mal c'est mal, que Hiyori n'a pas de personnalité, que Kofuku, Dieu amie avec Yato, est une garce et que l'on ne sait toujours rien sur l'origine des esprits qui pullulent le monde, ils sont la c'est tout.

Il est ainsi l'heure de rendre mon verdict sur Noragami et... j'ai adoré.

Oui cette histoire pullule de cliché, est un produit de son temps et surfe sur la vague, mais elle est aussi troublante d'originalité. La relation maître/serviteur n'est pas souvent traitée dans les mangas qui en font référence, autrement qu'en une confiance mutuelle aveugle et en le pouvoir de l'amitié. Ici, la relation est conflictuelle et Hiyori servira de vecteur pour la fission puis la réconciliation. De plus, on appréciera une réelle évolution des personnages qui apprendront de leurs erreurs et en sortiront endurcits.
Enfin c'est appréciable de voir des personnages denses et remplis de faiblesses émotionnelles. Yato n'est pas l'archétype de l'anti-héros sympatique qui pullule sur les œuvres hollywoodiennes et sur la japanimation. Yato est un personnage désagréable, bourré de défauts et le voir faire la morale à son serviteur concernant des péchés qu'il a lui même commis en pire est vraiment intéressant. Il apprendra finalement plus de son serviteur que l'inverse et la confiance qui naîtra entre ces deux personnages sera aussi forte que crédible.
L'anime a décidé de ce concentrer sur trois personnage et a eu raison de le faire. Le format de 12 épisodes ne permet pas d'insérer trop de contenu et plutôt que de tomber dans le piège d'ouvrir énormément de porte pour n'en fermer que certaines (le problème qui s'annonce pour "Kekkai Sensen" de Bones, que j'adore également mais pour d'autres raisons), il décide d'approfondir les trois personnages centraux et d'utiliser les personnages secondaires comme vecteurs de l'évolution de ces trois personnages.
L'idée de faire intervenir le collégien maltraîté dans l'épisode 8 est brillante car elle permet de mieux comprendre Yukine à travers lui, en servant d'homologue. Yukine se reconnait en lui. De plus, la conclusion de cet épisode ne se traduit pas par un choix moral. Je ne vous gâcherai pas le suspense quant à sa résolution mais j'ai trouvé cette dernière grandiose.
En plus, j'ai particulièrement apprécié le fait que le serviteur ne soit pas un side-kick lambda et qu'il soit doté d'un travail abouti concernant sa personnalité. Le personnage d'Hiyori n'est pas non plus associée au cliché de la girlfriend de base qui se mettra en travers des deux antagonistes. Au contraire, c'est elle qui leur permet de recoller les morceaux. Contrairement à la majorité des autres mangas de ce type, le personnage féminin n'est pas la cause de la fission entre les deux personnages masculins. Leur confrontation est intrinsèque et n'a nul besoin d'être amorcé par un énième triangle amoureux.

La série contient aussi des moments plus tranquilles parsemés de comique de situation qui d'habitude est maladroit et casse le rythme. Mais dans "Noragami", ces scènes sont réellement drôles. L'anime n'insiste pas sur ses gags et nous fait rire à de nombreuses reprises.
J'ai également apprécié le fait que cet anime utilise le ecchi (rare) comme catalyseur de l'histoire. Ces courtes scènes sont placées au bon moment pour servir l'histoire et non pour faire du fan-service. L'anime ne tombe pas dans le piège de brosser le spectateur dans le sens du poil et nous sert une oeuvre sincère et finalement pleine de sens.

En conclusion, Noragami est une oeuvre que je vous conseille de voir. Sans grande prétention, centrée sur des personnages pré-adolescents, elle demeure néanmoins très adulte dans sa résolution et présage du bon pour l'avenir, car une seconde saison sortira dans moins d'un mois.

Noragami: 16/20

Verdict :8/10
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A propos de l'auteur

orphée le poète, inscrit depuis le 13/03/2015.
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