Geek, Otaku, Nolife, Hikikomori : les désignations pour traiter des passionnés de la culture numérique sont légion. A l'inverse, il est frappant de constater que peu de séries d'animation s'intéressent à la réalité de cette population. Quelles sont les conséquences sociologiques de la massification des arts numériques sur la jeunesse, et en particulier sur la jeunesse en rupture totale avec la société ? Cette question est au centre de NHK ni Youkoso. On est donc en présence d'un anime qui explore non pas un univers mais une réalité. C'est ce qui en fait une série assez unique en son genre.
L'histoire se centre autour de Sato, un hikikomori - terme que j'ai tendance à assimiler à celui plus occidental de nolife tant les réalités derrière ces deux concepts sont proches - qui passe ses journées cloîtré dans sa chambre à jouer aux jeux vidéos et à regarder des séries. D'emblée, la grande force de l'anime est sans doute de réussir à créer un sentiment d'identification profond entre Sato et le hikikomori qui dort en beaucoup de passionnés de jeux vidéos et de japanimation. J'ignore si je suis le seul mais en suivant les errements de la vie désespérante de Sato j'ai reconnu certaines réalités de ma propre existence quotidienne. L'identification n'est jamais totale puisque ce personnage est l'archétype-même du hikikomori, mais elle est néanmoins réelle.
Autour de lui, les auteurs de la série ont également réussi à traiter des thèmes très intéressants et surtout très peu exploités qui se greffent autour du héros. Je pense notamment à la question de la dépendance aux MMORPG et à la pornographie (via le thème des eroge) qui m'est apparue non seulement très réaliste mais surtout révélatrice des dérives à quoi peut mener une vie affective aussi dramatiquement vide que celle de Sato.
NHK ni Youkoso est donc avant tout un anime qui fait réfléchir le spectateur sur les raisons qui se cachent derrière le refus des hikikomoris de s'investir dans la vie réelle. En cela, la série est particulièrement originale. En matière de scénario, l'histoire est centrée autour de la dualité entre le refus de Sato de changer et le dynamisme apporté par le personnage de Misaki qui cherche au contraire à le faire évoluer dans un sens positif. Pour ce faire, elle use de tous les stratagèmes imaginables pour contraindre Sato selon un mécanisme très freudien à tout d'abord lui faire admettre ce qu'il est devenu afin qu'il puisse ensuite se soigner. Les relations entre les deux personnages sont d'ailleurs ambiguës à plus d'un titre dans la mesure où on se demande pendant longtemps si la romance que développe Misaki avec son "patient" est la conséquence de sentiments sincères ou bien une simple partie de la thérapie qu'elle lui fait suivre. Cette ambiguïté permanente, à laquelle s'ajoute d'ailleurs les propres problèmes de Misaki qu'elle cherche à résoudre par le biais de cette thérapie mutuelle, constitue une autre partie importante de l'anime qui m'a particulièrement convaincu.
Comme pour toutes ces séries où le fond l'emporte sur la forme, j'aurais encore bien des choses à dire. Le thème du suicide et de la dépression est présent par exemple. Mais l'essentiel de ce que je retiendrais de NHK ni Youkoso, c'est surtout le fait que les hikikomoris vivent par procuration en rêvant de choses irréalisables ou bien en ne vivant qu'à travers des personnages fictifs. Ce point s'observe avec une acuité réelle à travers le personnage de Yamazaki - un otaku notoire - qui est aussi intéressant à étudier que son ami Sato bien que son cas soit un peu moins désespéré que ce dernier.
Pour conclure, NHK ni Youkoso est incontestablement une série à voir. Elle est à voir avant tout parce qu'elle traite de réalités sociales qui concernent toute une partie de la jeunesse à des degrés divers. Le propos est universel, foncièrement original et servi par des personnages très intéressants à suivre. Véritable tragi-comédie du monde des nolifes dans ce que leur vie a à la fois de plus déprimant mais aussi de plus fantasque, elle pourra autant faire rire que pleurer. En tout cas, cet anime ne peut laisser indifférent. Ce sera donc un 9 pour l'originalité des thèmes abordés et le réalisme profond de la série.