PARLE MOI D'ANIME, JE TE DIRAIS QUI TU ES...

» Critique de l'anime Katanagatari par jinrho78 le
17 Décembre 2017
Katanagatari - Screenshot #1

Raconter une histoire est à la portée de n’importe qui, comme par exemple:
Comment vous vous êtes retrouvé au mauvais moment; au mauvais endroit comme ce pov' con de John Macclane et comment hardi que vous êtes et malgré vos jambes tremblantes; vous vous dressâtes tel Errol Flynn pour défendre la très jolie veuve... et accessoirement l'orphelin face à de maléfiques "droogies"!
Toutefois l'art et la manière du Père Castor ne s'apprend pas chez les scouts et la clef du succès; (en dépit de la crédibilité de l'histoire elle-même) dépendra de votre capacité à donner de la contenance à votre récit pour mieux captiver votre public; vos seules limites étant celles de votre imagination.
Ce qui m'amène à un certain auteur célèbre pour sa licence à succès qui balance des gatari en veux-tu en voila à chaque terminaison de ses titres:
Bakemonogatari, Nisemonogatari, Nekomonogatari, Hanamonogatari, J'enaimarredespâtesgatari, Jesuistroppauvrepourpayerdesimpôtsgatarietc.
Toutefois il serait injuste de dire que ce choix est anodin puisque cet auteur a choisi d'ériger le Monogatari - une forme de prose narrative traditionnelle souvent romancée et qui est intimement lié à la notion de récit - comme enjeu majeur de ses créations.
Ce qui n'est pas complètement con car ce qui intéresse dans nombre de light novel c’est leur capacité à reprendre sous des angles neufs et dans un style littéraire moderne les thèmes des anciens contes, spécialement la littérature fantastique Japonaise qui est d'ailleurs très fournie.
Aussi Katanagatari l'anime issu du light novel éponyme s'inscrit dans cette démarche en ouvrant la voie pour ses potes, à l'écran.

Katanagatari - Screenshot #2Histoire de partir sur de bonnes bases, la machine se met en branle avec un bon vieux mac guffin des familles! À l'instar d'un Samurai Champloo, le très grand Shichika accompagnera sur un prétexte bidon la très petite Togame pour faire du tourisme, et subsidiairement chercher les fameuses lames.
J'ai dit "prétexte bidon" mais j'ai parlé de Monogatari plus haut, par conséquent le souci de vraisemblance n'étant pas vraiment une priorité ici, on acceptera donc de se couler dans le bain sans faire d'histoires...

Enfin, peut-être que l'on en fera un peu sur ce format de 50 minutes par épisodes sur un total de 12 pour un rythme de diffusion mensuelle. Ce qui me fait penser aux protocoles de certains artistes qu'il faudra observer méthodiquement, pour apprécier pleinement l'expérience offerte.
J'entends par là qu'il vaut mieux y aller mollo sur le visionnage plutôt que d'enchaîner les épisodes comme autant de tasses de café. Si vous décidez de vous la jouer outsider qui ne fait rien comme tout le monde et de jeter un coup d'oeil en coulisses, vous finirez probablement par vider le trop-plein en refaisant le monde sur votre trône en céramique!
Enfin je dis probablement car il faut de tout pour faire un bouquet de fleurs et certains apprécieront sûrement d'entendre nos deux lascars enfoncer des portes ouvertes à tours de bras et pousser le vice jusqu'à utiliser l'auto-référence pour combler le vide scénaristique pendant les 3 quarts de l'anime.

Katanagatari - Screenshot #3Cela dit un souffle bienvenu vient donner le change avec un schéma narratif proche des jeux vidéo de Suda51 dans ses mécanismes visibles : un épisode, une lame, un boss et un héros qui balance des mawashi-geri sur commande!
-"Alors du coup Katanagatari c'est bien un anime de la tatane?!"
Mieux que ça! Katanagatari est un anime ou les gens causent avant d'en découdre!
Il ne s'agit pas de boloss se reniflant mutuellement l'entre-jambe en plein concert, avant de se donner en spectacle devant la foule en délire avec moult filsdeputerie!
Non c'est plus profond que ça! y'a des trucs d'asiat', de respect du guerrier sur fond de soleil couchant, qui donne son nom en premier par politesse parce que sinon zarma c'est un manque de respect et tout et tout!

Je m'amuse mais en vérité... rarement un anime n'aura autant su me faire éprouver les frissons d'un destin fatidique; celui d'une lutte se profilant à l'horizon alors que les dernières feuilles de l'automne viennent élégamment couvrir le sol d'un tapis aussi rouge que l'aurore. Comme une forme vague qui se dessine doucement puis prend corps en un instant et ne manque pas d'amener avec elle, d'impitoyables promesses tapies dans l'ombre du crépuscule.
(Bon ok j'ai jamais tenu de sabre prêt à fendre un gus en 2 en regardant la mort droit dans les yeux... plutôt lové dans mon pieu en pyjama rose face à l'écran qui me sépare de ces duels mortels... J'ignore si ce fut, ni même si ce sera le cas pour toi voyeur avide d'un spectacle tragique mais moi putain ça m'a subjugué! Quelle fucking classe!)

Katanagatari - Screenshot #4Je ne parle pas des combats en eux-même - qui d'ailleurs sont finalement assez courts comparé à la longueur des épisodes entre le prologue et l'épilogue - je parle de détermination, de la volonté inébranlable et de la conscience que cet instant peut être le dernier. Il n'est donc pas question de cette volonté puérile des héros adolescents qui rabâche leur nindo mais plutôt quelque chose de froid et surtout de plus immédiatement concret.
On pourrait du coup penser que Katanagatari fait la part belle au Shanbara mais pas vraiment, même si l'influence se fait sentir, l'anime à une manière bien à lui de présenter la chose..
Paradoxalement la série opère une sélection presque lunatique sur le choix des détails (affrontement inclus dans l'offre), des fois oui alors qu'on ne l'attendait pas et des fois non alors qu'on l'attendait, ça laisse parfois plus perplexe qu'un chien qui court après un bâton que son maître n'a pas lancé mais ce n'est pas dénué de charme.
Un genre de minimalisme fantaisiste aux antipodes d'un Ninja Scroll ou d'un Basilisk voire même d'un Afro Samurai et qui se traduit d'ailleurs très bien dans le charadesign.

Katanagatari - Screenshot #5Finalement ces rencontres avec les fameux sabreurs sont tout le sel de Katanagatari (faut avouer que les gars ont du swag) et posent les bases d'une narration sans équivoque (L'histoire des sabres compte douze sabres pour douze apôtres, ça fait donc douze travaux d'Hercule mais surtout le douze symbolise la fin d'un cycle, détail assez ironique vu le propos de construction/déconstruction).
Pourtant le fait qu'il y ait trop de lisibilité dans le déroulement de l'intrigue a du déranger car l'oeuvre fini rapidement par prendre des virages alambiqués, comme paniqué de ne pas avoir un vrai scénario et rappelle ce type qui s'enfonce de plus en plus à force de bouger dans tous les sens pour s'extirper.

Malgré cela, l'évolution de nos deux lascars est vraiment intéressante dans les contradictions auxquels ces derniers doivent faire face durant leur chasse aux katanas, d'autant plus que leurs actions sont en phase avec le discours de l'anime, un discours qui par ailleurs est cohérent vis-à-vis de l'intrigue.
Il apparaît en effet que notre improbable "Dream team" n'est pas forcément légitime dans ses actions car tous les opposants luttent pour leurs convictions, leurs principes et la cause qu'ils estiment juste en définitive. Il n'est donc pas rare en tant que spectateur "neutre" dans le conflit, d'être dans l'incapacité de trancher en faveur de tel ou tel personnage, Katanagatari a au moins le mérite d'inviter le regardeur à prendre du recul.
En ce sens les épisodes 2 et 3 à mon sens reflètent très bien tout cela et représentent à eux seuls, dans mes lointains souvenirs, (5 ans ça remonte) l'essence de la série.

Dommage donc que tout cela soit parasité par d'inutiles intrigues sous-jacentes (dont une certaine princesse useless)... le pire étant le fin mot de l'histoire, qui donne l'impression d'un tir de bazooka dans l'eau (ahhh c'était donc ça, tout devient clair à présent, heureusement que ça valait le coup de tout chambouler...)
C'est quelque peu regrettable et on est en droit de se demander si en fait, il n'aurait pas mieux valu se contenter d'un Kill Bill du Bushido gaming en format ONA...

Il est pourtant vrai que l'anime peut être prenant par moment, notamment par un travail d'ambiance au service de son univers et qui est au moins aussi appréciable que le spectacle d'une charmeuse de serpent en tenue d'Ève (Je suis sûr que je ne suis pas le seul à avoir des goûts raffinés...si?). Je me dois également de citer l'ost de l'anime d'une qualité incontestable et qui rentre parfaitement en résonance avec l'anime (j'ai retenu 3 passages qui m'enivrent du sentiment d'alors et qui encore maintenant me font de l'effet).
Cependant le gros soucis de Katanagatari est que l'on s'aperçoit à un moment que son ambiance et son esthétique aussi réussies soit-elles, ne sont qu'un joli cadre doré pour attirer l'attention... parce que sinon on se rendrait compte que la toile encadrée est blanche. C'est chouette les monochromes, moi j'aime bien Yves Klein, le souci c'est que Katanagatari n'est pas du Yves Klein...

On va croire que le studio en charge du bordel m'a engagé comme attaché de presse parce que sans mon amour de l'écriture je pourrais en fait résumer ma critique à : Katanagatari c'est cool mais c'est trop long pour ce que c'est.

Verdict :7/10
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A propos de l'auteur

jinrho78, inscrit depuis le 13/04/2014.
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