L’expérience Cowboy Bebop m’a marqué au fer rouge, c’est donc avec une certaine excitation que je me suis plongé dans cette autre série signée Shinichiro Watanabe.
Laissant la SF au placard, les auteurs nous transportent au Japon de l’époque d’Edo (1600-1868). Truffée de repères chronologiques et de références historiques, l’histoire n’en est pas moins complètement incohérente. En effet, on s'est amusé à faire cohabiter des éléments espacés de plusieurs décennies ! En clair il est impossible de savoir quand se déroule l’histoire, mais si certains choix ont été fait quant à l’architecture des bâtiments, les vêtements des personnages, etc. Personnellement je ne suis pas suffisamment érudit pour associer ces éléments à une fourchette chronologique ou même un siècle. Ceci étant dit, l’immersion n’en est pas moins excellente ! Allant de l’obscure forêt au quartier chaud d’une ville en passant pas une plage peuplée de pirates, les décors en mettent plein la vue.
Le quatuor de Cowboy Bebop laisse place à un trio inattendu : deux experts du sabre - Jin et Mugen – accompagnés d’une jeune fille de quinze ans, Fuu. Cette dernière parvient à convaincre les deux hommes de ne pas s’entretuer et de l’aider à retrouver un mystérieux « samurai qui sent le tournesol ». Liés par cet étrange contrat, ils partent tous les trois sur les routes. Jin est le modèle même du guerrier taciturne et introverti, en opposition totale avec Mugen, sauvage et tapageur. Afin de transposer physiquement ce contraste de personnalité, Gin porte une queue de cheval et de fines lunettes alors que Mugen est affublé d’une boucle d’oreille et de cheveux en pétard. Fuu apporte une touche de sensibilité et d’humour dans le groupe, passant son temps à se plaindre du comportement de ses compagnons.
Mais l’élément le plus surprenant de cette série reste le mélange avec la culture hip-hop, contrairement à Cowbop Bebop qui avait misé sur une ambiance mélancolique blues-jazz. Bien évidemment, cela ce ressent dans l’excellente OST, mais aussi dans la mise en scène (les transitions entre chaque séquence ressemblent à une sorte de « scratch », comme si la bande vidéo était un disque vinyle) et les thématiques (culture de la rue : graffitis, coiffures extrêmes, accessoires ostentatoires, human beatbox, style de combat de Mugen apparenté au breakdance…). A côté de cela, on assiste parfois à des craquages complets, comme certains passages se passant carrément à notre époque. Aussi étonnant que cela puisse paraître, le mariage osé entre la période d’Edo et la culture hip-hop est une très grande réussite.
Je n’ai pas évoqué la trame scénaristique pour la simple raison qu’elle est aussi épaisse que du papier cigarette. Elle n’est qu’un prétexte pour lancer notre trio à l’aventure à travers le Japon et ne ressurgira qu’à la toute fin de la saison. Ce n’est pas grave en soi pour la bonne raison que chaque épisode (simple, double ou triple) propose une histoire indépendante. Ca tourne souvent autour de l’estomac vide de nos héros qui les force à offrir leur aide contre un repas, un peu d’argent ou un toit pour la nuit. Les nombreux combats au sabre ne sont pas toujours au cœur du récit mais une chose est sûre, le spectacle est à chaque fois au rendez-vous. Desservies par une animation de qualité, les chorégraphies sont magnifiques et inspirées, avec en plus des angles de caméra astucieux mettant bien en valeur les mouvements.
Le seul vrai reproche que je ferai concerne certains épisodes ou séquences moins réussis que les autres. Ca reste assez rare mais je citerai juste le match de base-ball avec les Américains (!), amusant au début mais finalement gavant. Toutefois, cela n’éclipse absolument pas la qualité magistrale de l’aventure, l’humour très présent et le charisme des personnages, le tout dans une ambiance hip-hop joyeusement décalée. Je le classe légèrement en dessous de Cowboy Bebop, mais ça reste un grand moment de japanimation.