Sword Art Online est un anime qui a beaucoup fait parler de lui, et pour cause. Même si en France, on avait la web-série Noob qui traitait du sujet du MMORPG avec beaucoup d'humanisme, les Américains avaient The Guild (qui était peut être top simple mais avait le mérite de montrer exclusivement des scènes de la vie réelle des antagonistes plutôt que des scènes du jeu), au Japon, le sujet était souvent esquivé. On avait bien quelques animes qui parlaient d'otaku (NHK) ou d'autres de réalité virtuelle (l'excellent Serial Experimental Lain ou Denno Coil) mais peu se centraient sur le sujet du jeu massivement partagé via les MMORPG.
En 2009, Reki Kawahara publie quasiment en même temps deux light novel traitant de la réalité virtuelle et du MMO: Accel Word et Sword Art Online (qui seront ironiquement adaptés en anime en 2012 tous les deux). Accel Word traitait de l'utilisation d'un univers virtuel, se nourissant d'impulsions cérébrales, permettant aux joueurs d'exploiter le fonctionnement du jeu pour tirer des avantages dans le monde réel et c'était brillant, car cela donnait un véritable enjeu aux personnages de vouloir à tout prix perdurer dans le jeu (sachant qu'un game over était définitif et faisait perdre au joueur toute possibilité de réintégrer l'univers d'Accel Word).
Ainsi, dans Sword Art Online, se déroulant une génération après Accel World, l'auteur a concervé cette volonté d'impacter le virtuel sur le réel, mais à un niveau supérieur: quiconque meurt dans le jeu meurt dans la vraie vie.
Cette simple idée permet de soulever une question importante quant à l'implication des joueurs dans un monde virtuel. En effet, certains joueurs décident de se vouer corps et âme dans un MMORPG afin de se reconstruire une vie virtuelle meilleure que sa propre vie (du moins, selon les critères que ces mêmes joueurs imaginent). Ainsi, avec cette nouvelle règle et le fait que l'anime oblige ces mêmes joueurs à conserver dans le monde virtuel leur véritable apparence, les joueurs perdent tout avantage à la fuite vers le monde virtuel, car l'enjeu est bien réel.
Ce postulat permet à l'oeuvre de construire toute sa profondeur quant aux différents choix apportés par les différents personnages. Certains décident de vivre sans prise de risque (comme les aubergistes), d'autres se laissent aller à la peur (et partent généralement les premiers), d'autres se laissent tomber dans leurs bas instincts et révèlent leur vraie nature (comme les Player Killers) et d'autres découvrent en eux un héroïsme qu'ils n'avaient jamais suspectés jusqu'alors.
Et c'est le cas du personnage principal, Kirito. Ancien grand joueur de MMORPG, démarrant avec un avantage par rapport aux autres joueurs dû au fait qu'il a joué à la version Beta de Sword Art Online, Kirito est un joueur solitaire qui a toujours préféré fuir les contacts avec les autres, que ce soit dans la vraie vie ou dans son monde virtuel. Une fois confronté avec la dure loi de SAO, ce personnage reverra constamment son approche et bénéficiera d'une évolution intéressante.
Dans un premier temps, son réflexe sera comme quiconque d'essayer de protéger les autres, étant donné son avantage lié à son expérience. Cependant, cela se conclura par la mort inévitable des membres de sa confrérie. Ainsi, Kirito choisira de redevenir un cavalier solitaire, non pas pour fuir le regard des autres (comme au début de la série) mais pour protéger autrui. Ce personnage bénéficie d'un traitement approfondi le rendant réellement intriguant et plaisant à suivre, notamment par le fait que son passé est derrière lui et que sa réputation grandit plus vite que lui, nous amenant à le voir d'avantage au travers des autres que par ses apparitions (nombreuses) à l'écran.
Le traitement du personnage féminin, Asuna, est également très bon. Elle ne se rabaisse pas au personnage féminin lambda qui se cache derrière le héros dans chaque scène d'action et lui met une gifle dès qu'il fait une remarque salace. Ce personnage, a elle-même une grande expérience du combat et peut rivaliser avec Kirito. De plus, elle est particulièrement attachante et ne peut se résumer à un simple adjectif.
En revanche, quant aux personnages secondaires, ceux-ci ont trop peu de traitement et sont souvent rabaissés à de simples clichés. Ceci n'est cependant pas gênant car l'oeuvre a choisit de se centrer sur le couple Kirito/Asuna, rendant ainsi ces personnages suffisamment transparent pour qu'on n'aie pas envie de s'y intéresser et qu'on ne soit pas frustrés par leur manque de traitement.
De plus, au niveau du déroulement de l'histoire, l'anime monte en crescendo en étant de plus en plus prenant, de plus en plus tragique, et en montant constamment en intensité jusqu'au climax final. Ceci étant renforcé par l'animation du studio A1-Picture qui, pour une fois, ne tombe pas dans la flemmardise et a débloqué le budget nécessaire afin de renforcer au maximum par les images l'immersion et l'implication nécessaire au spectateur face à cette oeuvre.
Et ainsi se termine cette superbe et inattendue série de 14 episodes.
Comment ça cette série dure 25 épisodes?
Je ne veux pas parler de la seconde partie par pitié...
Quel gâchis... cette série aurait pu être parfaite et marquer des générations si elle s'était terminée au bon moment et le temps qu'on digère la première partie excellente, la désillusion nous tends ses bras impitoyables pour nous plonger dans le monde éternel de la blasitude.
C'est bizarre, ça ne ressemble pourtant pas à A1-Picture de nous servir une première partie d'excellente qualité et une seconde partie tellement médiocre qu'elle nous fait sortir de l'oeuvre et nous donne envie de frapper les producteurs et réalisateurs en plein dans les balloches (je pense en cyniquement à Your Lie In April, cf ma critique visiblement controversée...).
Et ben oui, malheureux otakus plein d'espoir après avoir terminé la première partie quasi-parfaite de Sword Art Online, arrêtez-vous là car toute bonne chose a une fin.
Arrivée à l'épisode 15, cette série perd ce qui fait l’essence même de ce qui fonctionnait auparavant: l'enjeu du monde virtuel vis-à-vis de la vie réelle. Adieu le concept de la mort définitive et bonjour l'habituelle mort pas trop grave de n'importe quel MMORPG, rendant les scènes pseudo dramatiques ridiculement risibles. Adieu la romance attachante et intéressante entre Kirito et Asuna et bonjour la volonté d'inceste heureusement unilatéral entre Kirito et sa gourdasse dérangée de soeur/cousine/je sais pas/j'en ai rien à foutre. Adieu l'opposition entre la virtualité apaisante et la réalité impitoyable et bonjour les tentacules violeurs...
Me remémorer cette seconde partie me donne des ulcères alors que je tente de donner une chance à la suite qui, je l'espère, sera bien meilleure. En attendant, je vais quand même préciser le seul point du second acte de SAO que j'ai trouvé intéressant: le personnage du méchant: il s'agit d'un humain pathétique dans le monde réel qui sur-compense dans le monde virtuel et profite de ses avantages pour asseoir sa domination. L'idée du pauvre-type qui souhaite exister par son impact sur les autres (en particulier Asuna/Kirito) dans le monde virtuel n'est pas une mauvaise idée car ça suit le résonnement de l'anime sur le fait que le monde virtuel permet au joueurs d'accomplir ce qu'ils ne pourraient jamais accomplir dans le monde réel, ainsi que le retour à la réalité qui se traduit dans le premier acte par la règle de mort définitive et dans le second par la toute fin que j'ai, pour le coup, trouvé plutôt bonne.
Ainsi, pour finir, je recommande cette série les yeux fermés car, n'étant pas à la base un passionné de MMORPG, j'ai passé un très bon moment devant et j'ai eu l'occasion de me poser des questions. Je vous demande simplement de ne pas vous aliéner durant sa seconde partie en tentant de vous y immerger car plus dure sera la chute.
Sur-ce, je m'en vais démarrer la seconde saison, en espérant qu'elle suive d'avantage le parti pris de la première partie de la saison 1 plutôt que la seconde.
Sword Art Online: 15/20