Critique de l'anime Seirei no Moribito

» par sugawara le
02 Juin 2010
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Serei No Moribito (The Guardian Of The Spirit) est un anime qui mérite, en vertu de sa qualité singulière, une place à part parmi les meilleures œuvres de la Japanimation.

Le premier élément remarquable de la série est la qualité graphique qui doit être saluée, bien qu’elle baisse peut-être un peu à partir de la seconde moitié de l’anime. Sans être un chef d'oeuvre graphique (comme Samurai X Trust and Betrayal par exemple, avec des décors entièrement peints, ou Afro Samurai dans un autre genre), la facture de la réalisation est très bonne. Les décors sont d'une élégance subtile, qui oscille des paysages japonais classiques à la beauté épurée d'un palais impérial qu'on croirait issu de l'architecture post-moderniste. Les personnages ne sont pas en reste, même si leur graphisme peut surprendre. En effet, contrairement à la mode -depuis les années 2000- des visages très expressifs dans les animes (Code Geass en est l'exemple paroxystique), Moribito fait le choix d'une expressivité plus "figée". Ce n'est pas désagréable, puisqu'en échappant aux froncements de sourcils intempestifs et aux prunelles qui bougent dans tous les sens (oui, je me moque gentiment de code Geass), l'anime laisse le soin à la parole - étonnamment bien rendue à travers des dialogues travaillés- à la musique et à l'environnement de révéler les personnages. Les personnages n'arborent pas non plus toujours la même expression bien sur, et cela ne devrait pas trop surprendre. On retrouve en fait l'esthétique des années 1990, par exemple celle de Kenshin ou d'Evangelion, ou même de Cowboy Bebop.

L’animation en elle-même est également digne de louanges : les scènes de combat –plutôt rares au demeurant – en constituent un éminent exemple, la chorégraphie magistrale secondée par une progression sonore parfaitement adaptée en fait des chefs d’œuvres du genre.

Malgré son début un peu cliché, l'histoire sait très vite acquérir une force propre. L’anime sait restituer avec une émotion subtile, sans jamais tomber dans le pathos larmoyant, ce à quoi les œuvres récentes nous habituent hélas trop souvent, les relations authentiques qui se nouent entre les différent personnages – et notamment les rapports entre Chagoum et Balsa, une mère d’adoption. A cet dimension, prégnante tout le long de l’anime mais essentiellement dans sa première moitié, constituée de « tranches de vie », s’en ajoute ensuite une autre, qui tiendrait de la « faërie » telle que la définit Tolkien (in Faërie). Moribito devient alors le récit d’un mythe, plus proche de la poésie que d’un style épique – qui est l’écueil de beaucoup d’autres anime, où l’épique devient boursouflé et fumeux – mais également à la résonance plus grave.

Cette double dimension renouvelle l'intérêt d'un scénario qui ne s'essouffle jamais vraiment (à part 2 ou 3 épisodes de facture moins achevée, aux alentours de l'épisode 10), malgré une progression plutôt lente. Il faut noter que cette voie –fonder la profondeur du scénario non sur une intrigue psychologique, politique ou épique, mais s’engager dans le difficile chemin de l'interprétation mythologique (quel est le destin de Chagoum ? La réponse se trouve dans l'étude des anciens mythes par la Cour et Balsa)-est un genre unique au sein de la Japanimation. Le point clef de toute l’histoire est sans doute la justesse, c’est-à-dire que Moribito n’en fait jamais trop, et même dans l’univers poétique et mythologique dans lequel il s’engage, ne manque jamais de restituer les sentiments humains dans toute leur sincérité –peut-être mis à part une bonté généralisée des personnages, un peu naïve à force.

Enfin, pour finir évoquons la bande son, bien que je ne sois absolument pas un spécialiste de musique. L'opening composé par le groupe l'Arc-en-Ciel vaut le détour. Le reste de l’environnement sonore est à l’avenant, la musique prenant même parfois le relais pour exprimer des émotions au-delà des mots, comme lors des scènes impliquant le Prince de la Couronne. Le doublage anglais (puisque j’ai regardé la VA de cet anime, autant en parler) est de bonne qualité (ce qui n’est pas anodin, quand on sait que c’est un doublage calamiteux qui saborde des chefs d’œuvres comme Samurai X Trust And Betrayal par exemple), même si les voix sont parfois un peu trop figées dans un type (le Maître Astrologue et sa voix de Stentor, le prince de la couronne et sa voix éternellement fatiguée…).

À mon sens, Moribito n’est pas simplement une excellente surprise, un anime de bonne qualité ordinaire, comme on en rencontre parfois. La qualité de l'ensemble ne justifie pas à elle seule l'intérêt que je recommande d'y porter: c'est également dans la profonde originalité de l'histoire, et sa subtilité malgré quelques ratés à certains endroits, qui font que cet anime mérite une place à part, parmi les meilleurs. On pourrait dire que Moribito est peut être le premier anime que j'ai vu à posséder cette élégance "furyû", subtile et unique. Le concept de "furyû" - cher à Sôseki par exemple - est l'intérêt porté au détails et à la quiétude du moment, celui, par exemple, d'un vieux conte narré devant la chaleur apaisante du saké dans une auberge de montagne, dans la pluie automnale. Ce serait une bonne manière de définir Moribito loin du tumulte psychologique et du symbolisme tourmenté des autres chefs d'œuvres du genre (Code Geass, Evangelion...).

Verdict :9/10
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A propos de l'auteur

sugawara, inscrit depuis le 02/06/2010.
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