Elfen Lied. Apparemment un titre qui ne parle pas beaucoup. S’il fallait la classer, on dirait de sommairement : ecchi, gore, drame et science-fiction. Mais Elfen Lied transcende ce modèle des plus réducteur. C’est une série tout simplement inclassable, et je vais tenter de préciser un peu tout cela.
Tout d’abord je ne me peux m’empêcher d’être surprise par autant de critiques concernant cette série. D’abord, je me suis demandé si je n’idéalisais tout simplement pas Elfen Lied. Pourtant, après réflexion, j’en suis venue à la simple conclusion que j’avais ma manière de considérer les choses et que tout le monde ne pouvait pas spontanément aborder la série de la même manière que la mienne, c’est-à-dire, en un mot (d’accord, deux) : une merveille. C’est pourquoi je me permet d’exposer un peu mon point de vue concernant cet anime qui à mes yeux constitue un chef-d’œuvre (on a compris !).
Commençons par un point sur lequel tout le monde est plus ou moins d’accord : le design. Pour ma part, la vue d’un anime peu soigné graphiquement (même si je ne peux pas nier que j’ai mes propres normes de ce que j’appelle un anime ‘soigné’) ne dispose d’aucun pouvoir attractif, et Elfen Lied n’est bien sûr pas considéré comme tel. Les couleurs sont vives et contribuent à fasciner le regard du spectateur ; les personnages, quoique stéréotypés comme j’ai déjà pu le lire, n’en sont pas moins attirants. Les scènes s’enchaînent sans laisser le temps de s’ennuyer et l’ensemble n’a rien de redondant ; la prise de vue très diversifiée confirme cette caractéristique.
Ajoutons à ce plaisir visuel toute la trame sonore, qui est absolument nécessaire pour rendre l’action dramatique de la série : autant les voix des personnages et leur façon de s’exprimer, qui est rendue de manière très réaliste, que la musique de fond, véritable joyau de l’œuvre, qui accentue de manière irréprochable l’ambiance que décrit déjà la représentation visuelle. A quoi on me répondra peut-être, à propos des voix, qu’elles n’ont absolument rien d’exceptionnel. Rien que le contraste entre la voix de Nyu et celle de Lucy prouve le contraire : le personnage se scinde, la voix n’est pas négligée et semble se scinder en même temps. Le rustre de Bando se fait ressentir à l’écoute de cette brutalité présente dans la voix. Quant à Nana, sa simplicité et sa gentillesse exacerbée se retrouve dans une petite voix enfantine qui rend le personnage extrêmement touchant.
Pour ce qui concerne la musique, l’opening semble déjà tout faire transparaître. Ce-dernier réunit de manière originale la reconstitution de l’œuvre de Klimt (étant par elle-même révolutionnaire de par son style et emprunte de sentiments forts, elle semble implicitement annoncer la spécificité de la série) à une musique qui dès sa première écoute, envoûte, voir paralyse par tant de beauté. De même, au sein de la série, la musique est en adéquation avec les scènes visuelles et fait écho à l’impression qu’ elles seules dégagent. Je pense par exemple aux sonorités languissantes des violoncelles qui répondent avec encore plus d’ampleur au pathétique (dans le sens du sentiment de compassion éprouvé à l’égard des personnages) des flash- back. Ou encore la simplicité d’une scène quotidienne accompagnée d’une valse légère au piano… En somme : une réussite incontestable de ce point de vue-là.
Passons à présent à un élément qui semble avoir suscité quelques controverses. Bien que je n’ai de loin pas la science infuse, j’ai vraiment du mal à comprendre en quoi le scénario de cette série peut être autant discuté ! C’est vrai qu’il ne relève pas d’une extrême complexité, mais c’est peut-être justement l’intention directe de la série : s’axer sur des buts jugés plus importants, comme l’importance des sentiments, et les souligner par une touche presque démesurée de gore et d’ecchi. Intention ridicule ? A première vue, peut-être. Mais pourquoi ce surplus de violence ? D’après moi, il ne s’agit en aucun cas de violence purement gratuite, bien au contraire : elle est le fruit d’une souffrance intense, et ne s’explique ainsi pas par le bonheur de voir des jambes et des bras voler. Suffit d’observer un peu l’attitude de Lucy : posture droite, regard destructeur, expression figée. Il s’agit plus d’un insatiable désir de vengeance que d’un sadisme inexpliqué. De même pour la petite Mariko (alias numéro 35), qui justement peut nous faire croire le contraire ; car à l’opposé de Lucy, Mariko s’amuse en tuant. Pourtant, lorsqu’elle retrouve son père, toute son attitude change : la voilà devenue une petite fille angélique et sensible, émue de revoir une personne si longtemps attendue.
Selon moi, les intentions de la série sont claires : invitation à la tolérance ; mise en avant des sentiments ; constatation à première vue pessimiste d’un monde qui semble courir à sa perte, que ce soit par l’évolution de la science et du progrès ou par le comportement humain (car si les Diclonius reconstituaient la nouvelle humanité, que deviendrait le monde ? Néanmoins, quand on observe la façon dont ils sont traités, que reste-t-il encore à espérer des humain, à proprement parler ?). C’est la fin de la série qui constitue ici un véritable coup de maître : au premier abord frustrante, elle offre une ouverture à la réflexion ainsi qu’une bouffée d’air frais après 13 épisodes chargés d’une lourde atmosphère dramatique. L’humain mauvais qui maltraite le Diclonius au moyen d’ignobles tortures ne semble plus être le seul à avoir une place dans ce monde. Les protagonistes sans aucune intention destructrice, cest-à-dire Kouta, Yuka, Nana, Mayu… ne s’enlisent pas dans un avenir désespéré ou ne sont pas abattus comme si leur existence relevaient de l’utopie. Ils ont eux aussi leur place, même si l’on ne peut dire avec certitude dans quel chemin ils s’engagent… Une fin pleine de mystère, donc.
Pour conclure, je dirais donc qu’Elfen Lied est une série qui sait tenir en haleine, et qui allie avec une grande subtilité un concept apparemment basique à une recherche formelle totalement novatrice. L’anime, malgré des scènes des plus choquante, pousse à la réflexion et la réalisation met pleinement en avant le caractère unique de chaque personnage. Là où certains peuvent considérer Kouta comme une figure inintéressante, voire agaçante, son comportement des plus inhabituel (rien à voir avec des héros « classiques » qui ont pour unique leitmotiv d’aller de l’avant et d’enchaîner les gaffes pour amuser la galerie) forme toute sa spécificité, et je dirais par là, son intérêt.
Car je dirais à ce sujet que l’un des atouts majeurs de cet anime est justement cette spécificité. Spécificité discutée, pathétique pour certains, grandiose pour d’autres. Si pour moi, cette œuvre frôle la perfection, pour d’autres elle est un pari grotesque et raté. Je pense que c’est justement cette innovation qui constitue tout le plus de la série : soit elle séduit, soit elle dérange. En tous cas, elle ne peut pas laisser indifférent et génère des débats qui la rendent fascinante et donnent envie d’avoir un avis dessus. Elfen Lied a tout à gagner.