Il y a certains animés qui sont d'une qualité si incontestable, qui atteignent une perfection telle, qu'on parle parfois à leur propos de chef d'oeuvre ou de "pur bijou". Ce n'est pas le cas de "Elfen Lied", qui comporte certainement plusieurs défauts, et dont on peut reprocher la finition. Il n'en reste pas moins que le noyau principal de cet anime est absolument brillantissime, si bien que je ne parlerai pas de bijou mais de diamant brut, à l'aspect grossier et qui mériterait d'être taillé, mais qui n'en est pas moins un objet de très grande valeur.
J'ai immédiatement été séduit par cette série, essentiellement grâce au charme de son générique d'ouverture et de sa magnifique chanson en latin, chanson qui intervient dans l'OST et qui contribue certainement beaucoup à la réussite de l'anime. Après ce générique tout en douceur survient la première scène de la série, qui commence par un plan sur un bras arraché dont les doigts gigotent encore. Ce contraste entre la douce musique du générique et la violence de la première scène constitue une excellente entrée en matière et résume bien l'ambiance générale de la série !
Le schéma global de l'intrigue :
Les expérimentations scientifiques d'une organisation militaro-industrielle aboutissent à la création d'êtres à forme humaine mais dotés de pouvoirs surnaturels très dangereux pour l'humanité.
Une trame classique dans l'animation japonaise, me direz-vous. D'ailleurs les premières scènes m'ont fait penser à d'autres titres comme Akira ou Ghost in the Shell.
Le schéma est classique donc, mais très vite viennent s'y greffer des thèmes en complet décalage. L'un des êtres s'échappe et trouve refuge chez un jeune homme qui sera amené à cohabiter avec elle et d'autres jeunes filles dont l'une, sa cousine, est éperdument amoureuse de lui.
Bref, cet anime est un mélange déconcertant de deux genres radicalement différents : le gore/horreur/SF et la love-comedy ! Au début ce mélange un peu "sucré-salé" tient uniquement grâce à un artifice scénaristique un rien facile amha : l'amnésie et le dédoublement de personnalité du personnage principal. Les premiers épisodes sont donc une sorte de cohabitation un peu artificielle entre deux séries bien distinctes.
Ensuite le scénario prend de la profondeur, si bien que le mélange, si saugrenu soit-il, tient la route et parvient à captiver le spectateur (en tout cas ce fut le cas pour moi). D'ailleurs petit à petit la trame narrative tend à s'écarter des clichés généralement rencontrés dans les deux genres précités. L'histoire acquiert alors sa propre substance, et se montre pour ce qu'elle est réellement : une simple histoire d'amour. Une histoire d'amour qui finira mal, car basée sur un drame remontant à l'enfance des deux protagonistes, et dont on comprend vite qu'elle ne pourra avoir de dénouement autre que tragique. Et personnellement je n'ai pas été déçu par le dénouement en question, les derniers épisodes étant incontestablement les meilleurs de la série.
Dans l'ensemble la série est bien faite. Le dessinateur, même s'il est parfois un peu paresseux, a un très bon coup de crayon. L'OST, comme je le disais, m'a beaucoup plu, mais là c'est une question de goût. Mais surtout le point fort de cette série c'est qu'elle ose des trucs : une violence très crue et souvent symbolique. En effet l'auteur n'hésite pas à cogner de jolies filles, à tuer un petit chien, à démembrer une petite fille ou à en montrer une autre abandonnée à son sort dans la rue. C'est pas toujours du meilleur goût, mais c'est audacieux (j'ai presque envie de dire que c'est « artistiquement viril »), et ça donne une très forte intensité dramatique à certaines scènes.
J'aime beaucoup aussi le personnage principal, Lucy(*), que je trouve à la fois attachant et admirable, et dont l'expression du visage me fascine. Le dessin très particulier du contour des yeux donne un effet troublant, et ce n'est sûrement pas pour rien si ce regard fait l'objet de l'affiche de la série.
Signalons qu'on retrouve certains thèmes chers aux japonais : l'importance de la famille, les amours infantiles quasi incestueuses, etc. Cela donne quelques scènes tirant un peu trop sur le pathos, ou peu adaptées à la mentalité occidentale. Je trouve aussi qu'il y a pas mal d'intrigues secondaires, ou de personnages mineurs, qui sont à mon sens superflus, tout comme la partie ecchi d'ailleurs.
Ceci étant je pense qu'il serait dommage de s'arrêter sur ces petits points noirs car l'intrigue principale, celle entre Lucy et Kota, est bien traitée et constitue selon moi un excellent support dramatique. Je regrette d'ailleurs que les scénaristes ne se soient pas concentrés uniquement sur cette intrigue principale, qui est à mon sens la véritable valeur ajoutée de cet anime par rapport à la production habituelle.
Quelques longueurs sur la deuxième partie de la série ne m'empêcheront pas de décerner une excellente note, parce que comme je le disais la fin est absolument sublime.
Cette série est donc pour moi une superbe surprise et un très gros coup de coeur, je la recommande chaudement et sans réserve.
"Elfen Lied" n'est pas l'anime que je reconnais comme le meilleur que j'ai jamais visionné, mais il est certainement celui qui m'a le plus marqué.
*: ce personnage principal me fait irrésistiblement penser à la gamine de 'Hare+Guu', mais après avoir comparé les fiches des deux animés, je n'ai trouvé aucun nom commun. Pourtant les cheveux roses, la double personnalité matérialisée par un dessin différent du contour des yeux, c'est vraiment très ressemblant.