Critique de l'anime Death Note

» par Ariane le
30 Avril 2010
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Je précise d'entrée que je n'ai pas lu le manga. Et honnêtement, si l'anime colle bien au manga, je ne suis pas sûre, après avoir vu le premier, d'avoir le courage de me plonger dans la lecture du second.

J'ai regardé les 37 épisodes de cet animes en 2-3 jours. Autant dire que je me les suis enfilés à la suite et ma mauvaise opinion peut être en partie motivée par l'indigestion que ce mode de visionnement m'a donnée. Mais, ce n'est pas non plus la première fois que je regarde une série en entier en peu de temps et je supporte généralement assez bien ce genre de visionnement intense. Mon indigestion ici est donc essentiellement dûe à la véritable hécatombe qui caractérise cette série. Pas moins de 200 morts rien que pour les 4 premiers épisodes! A ma connaissance, c'est un record! Je n'ai pas calculé, mais probablement que plusieurs milliers de personnes meurent pendant cette série. Certes, ce sont pour la plupart des criminels, dont une partie était condamnée à mort (le Japon connaît encore la peine capital à ce jour). Néanmoins, l'activité du héros, Yagami Light, relève bien du massacre à grande échelle! Et un massacre parfaitement gratuit, comme je l'expliquerai un peu plus bas.

Vous me demanderez peut-être pourquoi j'ai regardé cette série en entier en si peu de temps, si elle me donner de pareils maux d'estomac? Je vous rassure, ce n'est pas par passion et impatience de connaître la fin. Simplement, je devais la regarder pour ma recherche et je n'ai pas beaucoup de temps à disposition.

Pour moi, cet anime est un thriller raté, dans la mesure où il contient un nombre incroyable d'invraisemblances. Certes, il s'agit d'une fiction mettant le surnaturel à l'honneur. Mais, toute fiction, pour que l'on puisse s'y projeter, surtout dans le cadre d'un thriller, doit cependant conserver un tant soit peu de cohérence et de références à la réalité qui est la nôtre. Sinon, ça donne très vite une histoire totalement tirée par les cheveux, qui frise avec le ridicule.

Primo, les représentations données d'interpol et du monde policier en général tiennent du fantasme, démontrant une méconnaissance abyssale de l'univers judiciaire. En effet, je doute fort qu'une agence comme interpol accepterait de travailler avec un parfait anonyme, qui ne révèle strictement rien de son identité et prétend avoir résolu des tas de cas insolvables. De plus, jamais la police japonaise n'accepterait que des agents du FBI viennent les espionner ou mettre leur nez dans leur vie professionnelle et privée. Si elle devait l'apprendre, ça ne manquerait pas de déclencher un sacré clash diplomatique. Le fonctionnement du gouvernement américain, vers la fin de la série, est aussi totalement fantaisiste. Le président américain, quoique disposant de beaucoup de prérogatives, n'est certainement pas habilité à stopper des procédures judiciaires ou des enquêtes en cours sur le territoire américain, ni même à interrompre des enquêtes menées par des agences internationales. Certes, des pressions peuvent être exercées, mais ce n'est pas le président américain qui peut simplement déclarer l'arrêt des enquêtes: ça s'appelle simplement la séparation des pouvoirs. Je veux bien croire que l'auteur est libre de prendre des libertés avec la réalité pour créer sa fiction, mais en tant que spectatrice, je n'ai pas non plus à accepter des choses trop absurdes.

Deuxio, les attaques et contre-attaques entre les divers protagonistes en présence, entraînés par Light dans une espèce de grand jeu d'échec mortel, s'enchaînent de manière bien trop fluide et articulée pour ressembler véritablement à une guerre. On n'a plutôt l'impression d'un ballet macabre orchestré par une espèce de "deus ex machina" (i.e., l'auteur) qui activerait les personnages au bon moment, comme avec des marionnettes, pour que le récit se déroule sans anicroches. Les explications à posteriori des ruses de chacun, bien trop nombreuses, renforcent cette impression de chiqué.

Mais, tertio, c'est surtout dans le décalage énorme entre la subtilité stratégique mise en œuvre par le personnage principal et sa mentalité primaire, pour ne pas dire primitive, reflétée par son objectif parfaitement puéril, que réside la plus grande invraisemblance de cette histoire. En effet, comment peut-on essayer de nous faire gober qu'un jeune, soit-disant sur-doué précoce, croie encore, à 18 ans, que le monde se divise entre des gens irrémédiablement mauvais et des gens infiniment bons? Mais, non seulement cela, mais au lieu d'évoluer vers une perception du monde plus nuancée et rationnelle, tout au long de la bataille qu'il mène pour échapper à ses adversaires, il régresse au contraire carrément vers des enfantillages, concluant grosso modo, vers la fin de l'anime, que tous les hommes sont pourris, sauf lui, naturellement. Du coup, comment un individu doté d'une perception aussi caricaturale et grossière de l'humanité, pourrait-il développer la compréhension du fonctionnement émotionnel et intellectuel des gens, nécessaire à la mise en place de ces ruses à multiples tiroirs? C'est impossible, sauf si l'auteur décide qu'une misanthropie bête et méchante est compatible avec la finesse intellectuelle et psychologique. Là aussi, c'est sa liberté d'auteur. Mais, pour moi, cette association est tout simplement trop absurde pour fonctionner, même dans une fiction. Qu'il en ait fait un être barbare, vénal et lâche n'aide pas non plus à rendre le personnage plus attachant, ni même à lui donner une quelconque cohérence.

Ainsi, il n'est pas étonnant que l'histoire s'achève sur une fin parfaitement pathétique de Light. D'une certaine manière, sa barbarie primitive finit par prendre complètement le dessus, le transformant en loque pleurnicharde et à peine capable d'exprimer autre-chose que des récriminations de gamin gâté.

Je donne cependant 5 à cet anime pour la qualité de la réalisation artistique. Mais, avec quand même l'impression d'un énorme gâchis de talents. En effet, tant d'efforts pour animer à l'écran une histoire plombée par un personnage principal tellement primaire et puéril, qu'il empêche le développement de toute réflexion sur la question de l'existence du mal (qui est quand même centrale à ce récit), c'est vraiment frustrant! Ainsi, l'histoire en elle-même avait du potentiel, avec des anti-héros relativement charismatiques, qui auraient justement parfaitement pu servir de moteur à la mise en scène de questionnements sur les causes du mal et les raisons qui permettent de le perpétuer, malgré l'accumulation de nos connaissances sur l'être humain et son univers. Mais non, on reste dans une espèce de manichéisme grossier entre un ado mégalo qui prétend décider pour le reste du genre humain ce qui est le mieux pour lui et un autre ado redresseur de torts qui, lui, pour le coup, ne se pose aucune question sur l'état actuel du monde. Apparemment, ça lui convient totalement. Et à l'auteur aussi, qui nous fournit une fin moralisante à la Columbo, où le conformisme triomphe totalement du rebelle! Vraiment dommage!

Verdict :5/10
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A propos de l'auteur

Ariane, inscrit depuis le 20/01/2010.
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